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Accessibilité des milieux de vie : la mobilité active des aînés

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Publication : 20 octobre 2018

La possibilité, pour les aînés, de recourir aux modes déplacement actifs pour se rendre de manière autonome à différentes destinations (lieu de résidences, commerces, services, équipements publics, etc.) est un élément essentiel de l’accessibilité d’une collectivité.

La mobilité active constitue par ailleurs un facteur particulièrement déterminant pour la qualité de vie des aînés, plus à risque de se trouver en situation de vulnérabilité sociale, économique, ou physique.

La mobilité active, essentielle pour un vieillissement en santé

Place Valois, Montréal | Source : Vivre en Ville
L’accès facile et sécuritaire vers les destinations du quotidien est un enjeu important pour les aînés, notamment lorsqu’on considère que ces lieux ne sont pas fréquentés uniquement pour consommer. En effet, une bonne accessibilité aux services et aux équipements peut avoir des effets bénéfiques sur la santé et le bien-être des aînés et contribuer à leur inclusion sociale (Apparicio et Séguin, 2006; Scharf et collab., 2010) limitant ainsi leur vulnérabilité.

Faute de pouvoir se rendre, de façon la plus autonome possible, aux commerces, aux services et aux équipements publics dont ils ont besoin au quotidien (épicerie, pharmacie, bibliothèque, etc.), les aînés marchent moins, sortent moins et diminuent leurs interactions sociales (Mercille, 2013). Non seulement en perte de bien-être et en situation d’isolement social, ils deviennent plus sédentaires et diminuent leurs chances de vieillir en santé (OMS, 2007).

La dépendance à l’automobile : un facteur de vulnérabilité

Les déplacements motorisés constituent, comme pour le reste de la population, le mode favori des aînés : au Canada, conduire était en 2009 la principale façon de se déplacer pour 59,8 % des 65 ans et plus (Statistique Canada, 2012). Même si les aînés qui sont en mesure de se déplacer en automobile sont plus susceptibles de participer à des activités sociales (Statistique Canada, 2012), cette dépendance à l’automobile n’est pas sans conséquences :

  • La dépendance à l’automobile est généralement associée à l’inactivité physique, alors que l’OMS recommande aux aînés de faire au moins 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée par semaine (OMS, s. d.).
  • Le recours à l’automobile varie significativement selon le genre et l’âge des personnes, ou encore selon le niveau de densité résidentielle du quartier (Statistique Canada, 2012), exposant des populations spécifiques à un risque d’isolement accru.
  • L’utilisation d’une automobile nécessite certaines capacités physiques et économiques. Une évolution de celles-ci peut facilement rendre vulnérables des individus, particulièrement lorsque les autres modes de déplacements sont difficiles d’accès. Au Québec, près de 30 % des plus de 65 ans n’ont pas de permis ou ne sont plus en état de conduire, soit 312 400 personnes. En 2009, 18,3 % des 65 à 74 ans n’avaient pas accès à un véhicule motorisé, une proportion qui passe à 41 % chez les plus de 75 ans (Statistique Canada, 2012).

Orenco Station, Portland, OR (États-Unis) | Source : Vivre en Ville

S'attaquer aux enjeux du vieillissement exige de tenir compte de la perte de mobilité, éventuelle ou effective, des personnes âgées et de permettre les déplacements actifs. Différentes stratégies s’offrent aux collectivités souhaitant faciliter la vie aux aînés à ce niveau. À court terme, il est possible de pallier l’accès limité aux déplacements motorisés en offrant des services de transport adapté, ou encore en soutenant les réseaux d’entraide, tout comme il est possible de promouvoir l’activité physique de loisir pour améliorer leur santé. Toutefois, à plus long terme, c’est dans l’aménagement du territoire urbain que résident les approches les plus structurantes, puisqu’elles influencent la proximité des activités et la possibilité de se déplacer activement. Par ailleurs, l’amélioration de l’accessibilité de l’environnement urbain pour les aînés bénéficie généralement à l’ensemble des individus, qu’ils soient en situation de vulnérabilité ou non.

Réduire les distances

Qu’ils aient accès ou non à un véhicule, avec l’âge, les aînés ont tendance à réduire les distances parcourues en voiture et à fréquenter des lieux plus près de leur domicile (Lord et Després, 2011). Pour tenir compte de ce resserrement des milieux fréquentés par les aînés, il convient d’aménager les milieux de vie de manière à assurer la proximité des commerces et des services du quotidien, par (Vivre en Ville, 2014) :

  • une localisation stratégique des activités, misant sur les synergies urbaines, qui devrait également s’appliquer aux résidences pour personnes âgées;
  • une mixité des activités permettant de répondre aux besoins quotidiens à proximité des lieux de résidence;
  • une densité résidentielle suffisante pour assurer la viabilité des commerces et services de proximité;
  • une forme compacte qui participe à créer un cadre bâti à échelle humaine;
  • une bonne perméabilité de la trame urbaine, notamment grâce à des cheminements courts (îlots de petite taille, densité d’intersection) entre les lieux où l’on retrouve une importante concentration d’aînés et les destinations significatives pour ceux-ci (épicerie, services de santé, services publics, arrêts de transport en commun, etc.).

Réduire les obstacles et assurer la convivialité des déplacements actifs

Les environnements urbains sont souvent peu favorables aux déplacements actifs des aînés. Au défi que représente déjà la distance à parcourir d’un lieu à un autre s’ajoutent des obstacles importants (Michael et collab., 2006; Lachapelle et Cloutier, 2017; Day, 2010), notamment l’insécurité (particulièrement liée à la circulation automobile) et l’inconfort des déplacements (irrégularités de la surface de déplacement, éclairage, présence de mobilier urbain, ombrage, vent, etc.).

Collingwood Village, Vancouver (Canada) | Source : Vivre en Ville

Pour éliminer ces contraintes, les collectivités soucieuses d’améliorer les conditions de déplacement des aînés sur leur territoire devraient chercher à :

  • limiter les risques liés à la circulation automobile, notamment en améliorant la sécurité des piétons aux intersections (avec, entre autres, des phases piétonnes adaptées à la vitesse de marche des aînés), en limitant les vitesses véhiculaires pratiquées et en aménageant des trottoirs;
  • assurer l’accessibilité universelle des parcours piétons (voir Société Logique et Institut Nazareth et Louis-braille, 2014; Ville de Montréal, 2017);
  • assurer un bon entretien des infrastructures piétonnes, en toute saison (déneiger, réparer les défauts de surface sur les trottoirs, éviter les entraves, etc.), de façon à assurer le confort du déplacement et à limiter les risques de chute;
  • offrir un cadre attrayant pour les déplacements actifs (végétation, protections contre les intempéries, mobilier urbain permettant le repos, etc.).

Pour aller plus loin… considérer les déplacements cyclables

Dans certains pays, notamment européens, le vélo est un mode de déplacement utilitaire est répandu dans toutes les tranches d’âges de la population. La situation est bien différente au Québec, où les aînés n’avaient pas traditionnellement l’habitude de faire du vélo (de loisir ou utilitaire). Cependant, cette situation change : « de 12 % en 1995, le taux de cyclistes [de 65 à 74 ans] a plus que doublé, pour atteindre 29 % » (Vélo Québec, 2016). Cette croissance, vraisemblablement associée au vieillissement d’une population habituée à la pratique du cyclisme, doit être prise en considération pour l’aménagement des espaces publics.

Il s’agit d’une activité physique intéressante pour les personnes âgées puisque peu agressive pour les articulations des genoux et des hanches (IUGM, s. d.). De plus, le vélo donne accès à un plus grand éventail de destinations pour un effort limité, sans parler de la popularité croissante des vélos à assistance électrique.

L’aménagement d’infrastructures cyclables de qualité, séparées physiquement de la circulation, a le potentiel d’attirer de nouveaux cyclistes, particulièrement chez les aînés (Walljasper, 2015). De plus, de tels aménagements permettent de limiter la présence de vélos sur les trottoirs, ce qui influence le sentiment de sécurité chez les aînés plus vulnérables (Walljasper, 2016).

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Notice bibliographique

Publication : 20 octobre 2018
VIVRE EN VILLE (2018). « Accessibilité des milieux de vie : la mobilité active des aînés », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, octobre 2018. [https://collectivitesviables.org/articles/accessibilite-des-milieux-de-vie -la-mobilite-active-des-aines.aspx] (consulté le 19 avril 2024).


Notice bibliographique

VIVRE EN VILLE (2018). « Accessibilité des milieux de vie : la mobilité active des aînés », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, octobre 2018. [http://collectivitesviables.org/milieuxdeviepouraines] (consulté le...).

Références

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CANADA. STATISTIQUE CANADA (2012). « Profil des habitudes liées au transport chez les aînés », Statistique Canada : Tendances sociales canadiennes. [En ligne].

DAY, Rosie (2010). « Environmental justice and older age: Consideration of a qualitative neighbourhood study », Environment and Planning A, vol. 42, n° 11, p. 2658‑2673.

IUGM [INSTITUT UNIVERSITAIRE DE GÉRIATRIE DE MONTRÉAL] (s. d.). Les bienfaits de l'activité physique. Université de Montréal et Gouvernement du Québec. [En ligne]

LACHAPELLE, Ugo, et Marie‑Soleil CLOUTIER (2017). « On the complexity of finishing a crossing on time: Elderly pedestrians, timing and cycling infrastructure », Transportation Research Part A: Policy and Practice, vol. 96, p. 54‑63. [En ligne]

LORD, Sébastien, et Carole DESPRÉS (2011). « Vieillir en banlieue nord-américaine. Le rapport à la ville des personnes âgées », Gérontologie et société, vol. 34, n° 136, p. 189‑204. [En ligne]

LORD, Sébastien, et Paula NEGRON‑POBLETE (2014). « Les grands ensembles résidentiels adaptés québécois destinés aux aînés. Une exploration de la marchabilité du quartier à l’aide d’un audit urbain », Norois, n° 232, p. 33‑52. [En ligne]

MERCILLE, Geneviève (2013). Environnement alimentaire local et son association avec les habitudes alimentaires de personnes âgées. Thèse de doctorat, École de santé publique, Faculté de médecine, Université de Montréal. [PDF] 239 p.

MICHAEL, Yvonne L., Mandy K. GREEN et Stephanie A. FARQUHAR (2006). « Neighborhood design and active aging », Health and Place, vol. 12, p. 734‑740.

OMS [ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ] (2007). Guide mondial des villes amies des aînés, Genève (Suisse), OMS. [PDF]. 78 p.

OMS [ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ] (s. d.). « Stratégie mondiale pour l’alimentaiotn, l’exercice et la santé : L'activité physique des personnes âgées », Organisation mondiale de la santé. [En ligne]

SOCIÉTÉ LOGIQUE et INSTITUT NAZARETH ET LOUIS-BRAILLE (2014). Critères d’accessibilité universelle : déficience visuelle - aménagements extérieurs. [PDF] 190 p.

SCHARF, Thomas, Chris PHILLIPSON et Allison SMITH (2003). « Older people's perceptions of the neighbourhood: Evidence from socially deprived urban areas », Sociological Research Online, vol. 8, n° 4, p. 1‑12.

VÉLO QUÉBEC (2016), L’état du vélo au Québec en 2015, Montréal, Vélo Québec. [PDF] 23 p.

VIVRE EN VILLE (2014). Retisser la ville : [ré]articuler urbanisation, densification et transport en commun, 2e éd., 108 p. (coll. Outiller le Québec; 1).

VILLE DE MONTRÉAL (2017). Aménagements piétons universellement accessibles : Guide d’aménagement durable des rues de Montréal – Fascicule 5. Montréal, Ville de Montréal [PDF] 230 p.

WALLJASPER, Jay (2016). « 10 Ways Bicycle-Friendly Streets Are Good for People Who Don't Ride Bikes », AARP Liveable Communities. [En ligne]

WALLJASPER, Jay (2015). « Bicycles Aren't Just for Kids », AARP Liveable Communities. [En ligne]