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Localisation des activités

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Publication : 02 décembre 2013

La localisation des activités désigne la distribution et l’implantation des destinations d’emplois et de services (études, achats, soins, loisirs, etc.) sur un territoire donné. Elle renvoie tant aux décisions immobilières qu’à leur encadrement par les collectivités.

Par leur localisation, les activités dessinent la structure de la ville et déterminent les pratiques et les modes de vie. Elles influencent notamment l’animation des milieux de vie, la mobilité et les coûts de desserte en services publics.

Le rôle de la localisation

La localisation des activités a des impacts directs et de long terme sur la forme urbaine, sur la vitalité économique, sur la qualité des milieux de vie, sur les déplacements ou encore sur les modes de vie. Les activités constituent les destinations de la très grande majorité des déplacements. Une approche stratégique de la localisation apparaît comme un préalable au succès de mesures à prendre pour aboutir à une collectivité viable, notamment :

  • la consolidation de la ville et l’efficacité urbaine;
  • le virage vers la mobilité durable;
  • la vitalité urbaine et l’attractivité du territoire;
  • la saine gestion des finances publiques.

La tendance à l’éparpillement des activités et ses conséquences

Exemple typique d’éparpillement des activités le long d’un axe routier – Source : Vivre en Ville
Le phénomène d’éparpillement des activités est une des caractéristiques de l’étalement urbain. La perception des distances a évolué avec le déploiement du réseau autoroutier et la motorisation de la population. Cette nouvelle donne affaiblit le critère jusqu’alors déterminant de la proximité d’une activité avec son bassin d’usagers, au profit du critère d’accessibilité routière.

Désormais, l'accessibilité, la visibilité et la compétitivité des activités passent par les réseaux autoroutiers, qui impliquent une nouvelle répartition des activités et l'éloignement de celles-ci par rapport aux milieux de vie. Les activités se sont progressivement déplacées des noyaux urbains vers les terrains périphériques moins coûteux et moins contraignants. Cela se traduit par une multiplication des pôles d’emploi.

La dissociation entre activités et milieux de vie, soutenue par la ségrégation des usages, entraîne un accroissement des distances parcourues, la dévitalisation de certains milieux de vie et une augmentation des coûts individuels et collectifs.

L’approche stratégique de la localisation des activités pour les collectivités

Une approche stratégique de la localisation des activités s’intègre dans la vision de long terme du territoire, à la fois dans sa planification et dans sa réglementation.

Catégories d’activités

Les activités se distinguent par leur rayonnement et la taille de leurs bassins d’usagers.

  • Les activités de proximité : Elles désignent les activités d’ampleur locale qui répondent aux besoins du quotidien. Leur répartition sur le territoire devrait favoriser la proximité avec le bassin de population concerné et ainsi la constitution de milieux de vie complets. Ex. PME, école, épicerie.
  • Les activités structurantes : Elles ont un effet structurant sur le territoire à l’échelle métropolitaine ou régionale, en raison de l’importance et du rayon d’attraction de leur achalandage, et de leur capacité à susciter des synergies économiques. Ex. pôle d’emploi, CÉGEP, centre d’achat.

Certaines activités s’avèrent incompatibles avec les milieux de vie en raison des nuisances qu’elles génèrent ou des risques qu’elles représentent (ex. industrie lourde, dangereuse, extensive). Si ces nuisances ne peuvent être désamorcées par la réglementation (ex. mesures d’intégration urbaine), elles devront être localisées dans une zone spécialisée.

Principes de localisation

Une localisation stratégique est nécessairement une solution gagnant-gagnant pour la collectivité, pour l’activité et pour les citoyens. Une collectivité qui encadre les choix de localisation le fait selon les principes suivants :

Un cœur de quartier pour insuffler la bonne localisation – Source : Vivre en Ville

  • Favoriser les synergies économiques et urbaines
    Les activités exercent un effet d’entraînement les unes sur les autres, que l’on optimise en les concentrant et en favorisant une mixité d’usages et d’activités. En suscitant des synergies économiques et urbaines, elles ont le pouvoir d’activer l’effet structurant des centralités.

  • Garantir l’accessibilité pour tous et à moindre coût
    Les destinations de proximité se répartissent au cœur des milieux de vie, en privilégiant un accès à pied; les destinations structurantes se localisent dans le centre-ville, et d’éventuels centres secondaires, pour valoriser une accessibilité en transport collectif mais aussi à pied.

  • Susciter une expérience urbaine stimulante
    Les activités contribuent à toutes les échelles à l’animation, à la convivialité et à la qualité des milieux de vie. Elles favorisent le sentiment d’appartenance.

  • Optimiser les infrastructures et les services publics existants
    Dans une perspective de bonne gestion des finances publiques, les activités choisissent des secteurs déjà desservis et susceptibles de répondre à leurs besoins.

Une politique de localisation

La répartition des activités dans les centralités

Pour intégrer ces principes dans leur gestion du territoire, les collectivités ont intérêt à structurer leur territoire autour de centralités fortes et d’y concentrer les activités, ce qui optimise les bénéfices attendus de leur localisation.

Les centralités locales (comme les cœurs de quartier ou les noyaux villageois) ont vocation à accueillir des activités de proximité seulement. Les centralités d’agglomération (le centre-ville et, pour les plus grandes villes, d’éventuels centres secondaires) à accueillir à la fois les activités structurantes et des activités de proximité. Restreindre au maximum le nombre de centralités d’agglomération permet de limiter l’effet de concurrence qu’elles risquent d’exercer les unes sur les autres.

Enfin, un petit nombre de zones spécialisées devrait être maintenu pour localiser les activités incompatibles avec les milieux de vie.

Les facteurs de succès

En mobilisant autour de leur vision les autres instances impliquées dans ces décisions, les collectivités peuvent s’en faire des alliés : les décideurs immobiliers évidemment (investisseurs, promoteurs, gestionnaires et exploitants), mais aussi les citoyens et les diverses organisations œuvrant par exemple dans le domaine des déplacements (ex. société de transport) ou de l’économie (ex. société de développement commercial).

La mise en œuvre de mesures incitatives facilitera l’encadrement réglementaire de la localisation. Valoriser les centralités permet de les rendre attractives pour les activités et ainsi de faire coïncider les intérêts des organisations avec ceux de la collectivité.

Des exemples de politiques publiques de localisation

La politique ABC aux Pays-Bas

La politique ABC, apparue aux Pays-Bas en 1991, est un outil de planification qui vise à implanter « la bonne entreprise, au bon endroit », en proposant aux collectivités une planification du territoire qui réarticule l’utilisation du sol et la gestion des transports.

Elle catégorise les entreprises de plus de 100 employés en fonction de leur profil de mobilité, et les différents secteurs de la ville en fonction de leur accessibilité. Ainsi, les entreprises générant le plus de déplacements et le moins de transport de marchandises doivent se localiser dans les secteurs centraux, facilement accessibles en transport en commun et offrant peu de stationnement.

La politique ABC continue d'influencer la vision de plusieurs gouvernements. Au Québec, le ministère des Affaires municipales, des régions et de l’Occupation du territoire, a réalisé une fiche détaillée sur cette expérimentation (MAMROT, 2010).

Concept d'organisation spatiale à Sherbrooke – Source : Ville de Sherbrooke, 2013

La planification de la Ville-MRC de Sherbrooke

Le schéma d’aménagement et de développement durable de Sherbrooke planifie la croissance au sein de 5 pôles, pour consolider son territoire et revitaliser le centre-ville. Les bureaux de plus de 750 m2 de superficie de plancher, publics comme privés, ou encore les cinémas, ne sont autorisés à s’installer que dans le périmètre du centre-ville.

Stratégie immobilière des organisations

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De plus en plus d’organisations reconnaissent la localisation comme un élément central de leur stratégie corporative. Elle est un atout pour attirer les publics, favoriser les opportunités d’affaires et bonifier l’expérience client. Elle permet aussi de séduire ses employés et encore de soigner son image.

Une localisation gagnante du point de vue de l’exploitant renforce l’attractivité de l’activité auprès de ses publics, elle favorise sa pérennité en l’affirmant dans le marché local, et s’appuie sur son quartier d’accueil.

Un retour vers les centralités ?

De nombreuses bannières européennes, traditionnellement orientées vers les grandes surfaces, ont développé une stratégie multiformat, qui présente l’avantage de pénétrer tous les marchés. Par exemple, le groupe Carrefour couvre aujourd’hui toute la gamme de magasins, jusqu’à la petite surface, et tous les milieux, de la périphérie au centre-ville.

Cette tendance, qui converge avec les intérêts de la collectivité, commence à apparaître au Québec, à travers des entreprises comme Rona, Canadian Tire, Walmart ou encore Best Buy, qui se réintéressent aux moyens ou petits formats.

n.b. Cet article reprend en partie les propos développés plus en détails dans l’ouvrage de Vivre en Ville : Bâtir au bon endroit : la localisation des activités et des équipements au service des collectivité viables.

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Notice bibliographique

Publication : 02 décembre 2013
VIVRE EN VILLE (2013). « Localisation des activités », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, décembre 2013. [https://collectivitesviables.org/articles/localisation-des-activites.aspx] (consulté le 19 mars 2024).


Références

BOITEUX-ORAIN, Céline, et Jean-Marie HURIOT (2002). « Modéliser la suburbanisation. Succès et limites de la microéconomie urbaine », Revue d’Economie Régionale et Urbaine, no 1, p. 73-104. [En ligne]

COFFEY, William J., Claude MANZAGOL et Richard SHEARMUR (2000). « Centralités métropolitaines ». Cahiers de géographie du Québec, vol. 44, no 123, p. 277-281. [PDF]

CONSEIL RÉGIONAL DE L'ENVIRONNEMENT DE LA CAPITALE NATIONALE [CRE-Capitale nationale] (2011). Étude comparative sur la quantité d’infrastructures nécessaire aux nouveaux développements dans la ville de Québec et à Fribourg, en Allemagne. [PDF] 37 p.

GIBBS, Robert J. (2012). Principles of Urban Retail Planning and Development. Hoboken (NJ) : John Wiley & Sons, Inc., 227 p. [+info]

QUÉBEC. MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES, DES RÉGIONS ET DE L'OCCUPATION DU TERRITOIRE [MAMROT] (2010). ABC, un outil d’aide à la prise de décision territoriale. [PDF] 9 p.

VICTORIA TRANSPORT POLICY INSTITUTE [VTPI] (2013). Land Use Impacts on Transport: How Land Use Factors Affect Travel Behaviors. [PDF] 80 p.

VILLE DE SHERBROOKE (2013). Schéma d’aménagement et de développement révisé – 2012-2027. [PDF]

VIVRE EN VILLE (2013). Bâtir au bon endroit : la localisation des activités et des équipements au service des collectivités viables. 107 p. (coll. Outiller le Québec). [+info]