Connaître nos hivers pour mieux s'y adapter
Les impacts qu’ont les conditions hivernales sur la collectivité et l’individu justifient de développer des plans à long terme visant à mieux adapter nos villes à l’hiver. Agir ainsi aurait le potentiel de :
- diminuer l’impact de l’hiver sur la santé physique et psychologique de la population;
- maximiser l’efficacité et la qualité de l’entretien hivernal;
- offrir un milieu de vie animé qui incite à l’activité physique;
- faciliter les déplacements actifs et collectifs;
- développer de nouvelles opportunités sur le plan économique;
- célébrer l’apport de l’hiver à notre identité collective.
Pour ce faire, la création de collectivités viables en milieu nordique doit considérer les variations saisonnières dans la construction de la ville des courtes distances. La géométrie du cadre bâti et l’aménagement des espaces publics peuvent permettre de créer un milieu de vie agréable et efficace durant les quatre saisons.
Adapter la ville à l’hiver nécessite de prendre en considération les caractères multiples de l’hiver et l’évolution de la relation qu’entretient la population locale avec les différents stades de cette saison. Cet objectif impose aux villes de bien connaître les conditions propres à leur climat local afin de mieux cerner les enjeux particuliers, de se comparer à des collectivités au contexte similaire et de mieux diriger les investissements. Mieux adapter la ville à l’hiver implique également d’entrevoir les effets qu’auront les changements climatiques sur la saison froide, pour que les aménagements réalisés aujourd’hui s’intègrent harmonieusement au devenir de notre climat.
Voilà pourquoi les collectivités ont avantage à se doter d'outils pour caractériser leurs conditions hivernales et à entrevoir l’évolution de leur climat.
Les villes d'hiver du Québec
L’analyse des normales climatiques (Canada. ECC, 2018) de 26 localités à travers le Québec, entre 1981 et 2010, a mené à l’identification de cinq types de villes d’hiver :
Ville d’hiver mouillé | Ville d’hiver laurentien | Ville d’hiver maritime | Ville d’hiver boréal | Ville nordique | |
Sévérité du froid : degrés-jours inférieurs à 0 °C | 850 - 1000 | 1000 - 1250 | 1150 - 1400 | 1500 - 2000 | 2000 et plus |
Nombre de jours avec précipitations de pluie en janvier – février | 8 - 10 | 6 - 8 | 5 - 7 | 4 - 5 | 0 - 2 |
Précipitations annuelles de neige (cm) | 180 - 280 | 250 - 300 | 350 - 380 | 280 - 320 | 225 - 250 |
Nombre de jours propices aux activités estivales : où T° > 10 °C | 190 - 200 | 175 - 185 | 160 - 175 | 150 - 170 | 100 - 125 |
Nombre de jours de gel | 145 - 170 | 170 - 190 | 190 - 200 | 190 - 215 | 230 - 245 |
Nombre de jours propices aux activités hivernales (entre 0 °C et -20 °C) | 50 - 60 | 55 - 65 | 60 - 70 | 55 - 65 | 60 - 70 |
Nombre de jours où épaisseur de neige ≥ 5 cm | 100 - 110 | 115 - 130 | 120 - 150 | 130 - 150 | 175 - 185 |
Nombre de jours où la durée de la clarté < 9 h | 45 - 50 | 50 - 60 | 65 - 70 | 60 - 70 | 90 et plus |
Exemples | Gatineau, Montréal | Baie-St-Paul, Québec | Baie-Comeau, Gaspé | Saguenay, Chibougamau | Grande-Rivière, Kuujjuaq |
Tableau 1. Types de villes d’hiver au Québec | Source : Vivre en Ville, d’après Environnement Canada |
Ville d’hiver mouillée
L’hiver est plus court et ponctué de nombreux redoux, donnant lieu à un cocktail de précipitations plus difficile à gérer. Il y a un certain risque à compter sur la présence de neige pour l’organisation d’un événement. La sloche et la glace doivent particulièrement être prises en compte.
Ville d’hiver
L’hiver est froid et enneigé. La période de gel s’étire sur environ six mois. Les activités hivernales sont possibles en raison de la constance de la couverture de neige. Malgré tout, la ville d’hiver n’échappe pas à des périodes de redoux et à des épisodes de pluie.
Ville d’hiver maritime
Les précipitations totales sont abondantes, les épisodes de chute de neige de plus de 10 cm sont plus nombreux qu’ailleurs. La proximité avec le golfe du Saint-Laurent tempère les extrêmes, ce qui mène à des précipitations sous forme de pluie à l’occasion. La gestion des précipitations et des tempêtes doit être efficace. On peut compter sur de fortes accumulations de neige pour les évènements et les loisirs.
Ville d’hiver boréale
Le gain en altitude et l’éloignement des grandes étendues d’eau crée des conditions quasi glaciales, où l’on retrouve un peu moins de précipitations que dans la région du golfe du Saint-Laurent. L’hiver reste long et enneigé, avec peu de périodes de redoux, d’où l’intérêt de bien adapter la ville d’hiver boréale à son climat et de savoir créer des microclimats favorables au confort des usagers. Les espaces publics intérieurs prennent également de l’importance.
Ville nordique
Le froid arctique s’étire pendant une bonne partie de l’année. En raison des froids extrêmes, les précipitations de neige ne sont pas très abondantes, mais la période d’enneigement est longue. La lumière du jour est également rare. La création de microclimats et d’environnements lumineux contribuent à l’attractivité des espaces extérieurs.
Évolution des hivers québécois
Ouranos (2015) a publié un document faisant état des connaissances sur les changements climatiques au Québec. De manière générale, on y note que l’ensemble du territoire du Québec connaît une tendance au réchauffement des températures et à l’augmentation des précipitations durant la saison froide. Partant de ce constat, on y élabore des projection sur l'évolution des conditions hivernales au Québec. C’est pendant l’hiver que les hausses des températures moyennes devraient être les plus intenses, et ce, pour toutes les régions du Québec. Les hausses seraient toutefois plus marquées au nord qu’au sud.
Ces variations auraient une incidence sur les précipitations sous forme de neige et la durée de la période d’enneigement. On peut également prévoir une augmentation des cycles de gel-dégel ainsi qu’une forte réduction dans le nombre annuel de jours de gel. La diminution des accumulations de neige mènerait à une fonte printanière de plus en plus hâtive.
L’évolution climatique devrait varier en fonction des différentes régions, de l’altitude, du régime climatique, du type de surface et de la végétation. Ouranos rapporte les faits saillants suivants pour les régions de référence identifiées ci-dessous. Il est important de nuancer ceux-ci en fonction du type de modélisation sur lesquelles ils se basent. Le scénario à émissions de GES stables est nommé « RCP 4,5 ». Le scénario à émissions de GES élevées se nomme « RCP 8,5 ».
Faits saillants pour le sud du Québec
Températures pour les mois de décembre, janvier et février |
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Précipitations pour les mois de décembre, janvier et février |
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Durée de l’enneigement |
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Période de gel |
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Faits saillants pour le centre du Québec
Températures pour les mois de décembre, janvier et février |
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Précipitations pour les mois de décembre, janvier et février |
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Durée de l’enneigement |
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Période de gel |
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Faits saillants pour le golfe du Saint-Laurent
Températures pour les mois de décembre, janvier et février |
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Précipitations pour les mois de décembre, janvier et février |
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Durée de l’enneigement |
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Période de gel |
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Faits saillants pour le nord du Québec
Températures pour les mois de décembre, janvier et février |
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Précipitations pour les mois de décembre, janvier et février |
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Durée de l’enneigement |
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Période de gel |
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Vers des milieux de vie résilients aux changements climatiques
La résilience saisonnière vise une adaptation à l’évolution des saisons, mais également aux différents stades d’une même saison. On tente ainsi de créer un milieu de vie qui sera attrayant et efficace sous l’ensemble des conditions météorologiques auxquelles est exposée une ville. On tente également d’arriver à cet objectif sans avoir à dédier d’importantes ressources pour adapter l’environnement aux changements saisonniers, comme par exemple, sans la pose ou le retrait de mobilier urbain, de patinoire extérieure ou de lumières.
Pour ce faire, il est particulièrement avisé de combiner au sein d’un même design les spécificités saisonnières liées à l’entretien, à l’accessibilité, au confort de l’usager, à l’offre récréative et à l’environnement visuel.
Mieux connaître le climat actuel et en devenir représente ainsi une première étape pour développer des stratégies éclairées et commencer à adapter les milieux de vie aux changements climatiques.