Les changements climatiques, un phénomène complexe
Il existe trois types d’adaptation :
Anticipative (ou proactive) – mise en place avant même que les impacts ne se fassent sentir;
Autonome (ou spontanée) – réponse inconsciente à un changement effectif;
Planifiée – résultat d’une décision politique, basée sur un constat de changement présent ou à venir, auquel il convient de réagir pour revenir, s’en tenir, ou parvenir à une situation souhaitée (GIEC, 2007b).
De par leur nature globale, les changements climatiques ont des impacts multiples et interreliés. Il est donc important d’en tenir compte dans la recherche de stratégies d’adaptation puisque celles-ci peuvent répondre à plus d’une conséquence ou, inversement, avoir un impact indésirable dans un autre secteur. La figure 1 donne un aperçu des nombreux secteurs pouvant être affectés par un seul effet des changements climatiques au Québec : la baisse des niveaux d’eau du fleuve Saint-Laurent.
Adaptation et mitigation, un duo inséparable
Il existe deux grandes catégories d’interventions face à la problématique des changements climatiques : la mitigation et l’adaptation. La combinaison des deux types d’interventions est nécessaire. Des stratégies d’adaptation doivent être envisagées puisqu’un réchauffement planétaire est désormais inévitable. Toutefois, la mitigation des changements climatiques reste essentielle car « l’adaptation permet de faire efficacement face aux effets antérieurs du changement climatique, cependant, à mesure que ce dernier s’intensifie, les possibilités d’appliquer avec succès les stratégies d’adaptation s’amenuisent, tandis que leurs coûts augmentent » (GIEC, 2007a).
L’adaptation et la vulnérabilité dans les collectivités
Plusieurs impacts des changements climatiques se font sentir à grande échelle. Mais certaines conséquences sont plus locales, d’où l’intérêt d’agir à l’échelle des villes, où les changements climatiques affectent :
le confort, la santé et la sécurité de la population,
le fonctionnement et les finances de l’administration municipale, et plus largement,
l’économie de la collectivité et les réseaux de communication, de transport et d’énergie.
Les experts estiment que dans les prochaines décennies, les collectivités québécoises devraient notamment avoir à faire face à un accroissement des températures moyennes, des épisodes de chaleur accablante plus fréquents et une augmentation des pluies intenses – ces changements climatiques variant selon les collectivités.
La vulnérabilité des collectivités aux impacts de ces changements et leur capacité d’adaptation dépend notamment de la forme de l’environnement bâti, et donc du mode de développement urbain privilégié. Plusieurs caractéristiques des collectivités viables peuvent améliorer la capacité d’adaptation et aider les collectivités à assurer la santé et la qualité de vie de leurs habitants, tout en limitant les coûts pour ce faire.
Réduire les impacts de la chaleur
L’effet d’îlot de chaleur urbain
L’îlot de chaleur urbain, observé dans les milieux très minéralisés, est un problème de plus en plus répandu dans les villes et les changements climatiques l’accentueront. Les effets d’un îlot de chaleur sont d’autant plus importants lors de canicules, lesquelles devraient augmenter en intensité et en nombre avec les changements climatiques. Les conséquences sont plus ou moins graves, dépendant de la vulnérabilité des individus, allant de l’inconfort à l’aggravation de maladies préexistantes, pouvant même causer la mort.
Il existe plusieurs options pour réduire, voire éliminer ces îlots de chaleur urbains, entre autres la requalification des espaces minéralisés (stationnements de surface, chaussées très larges, toitures goudronnées, etc.) au profit de la végétation. Il est possible de créer plutôt des îlots de fraîcheur, tout en créant des milieux de vie plus agréables.
Qualité de l’air
L’augmentation de la chaleur, en général, a une incidence sur la présence de divers polluants atmosphériques, dont les pollens, l’ozone et les particules en suspension. L’aménagement de milieux de vie favorables aux déplacements actifs et aux transports collectifs permet de limiter les émissions de ces polluants par les véhicules motorisés.
Réduire les impacts des risques naturels
Inondations
Le risque d’inondation associé à l’augmentation des précipitations abondantes est aggravé par l’imperméabilisation du territoire.
Une urbanisation étalée, associée à un fort taux d’imperméabilisation des sols, rend les collectivités vulnérables face à ce risque, auquel elles ne peuvent répondre qu’en construisant, à grands frais, des infrastructures susceptibles de répondre aux épisodes de pluviosité extrême. Au Québec, des quartiers entiers sont construits dans des zones inondables. Réduire la vulnérabilité des collectivités passe par une révision des règles et des pratiques d’urbanisation en regard des zones inondables. D’autre part, plusieurs villes, notamment en Allemagne et en Suède, ont entrepris de réduire les surfaces asphaltées et de gérer les eaux de pluie naturellement, à l’aide de toitures végétales, de canalisations à ciel ouvert et de bassins de rétention. Ensemble, ces mesures favorisent l’absorption des eaux de pluie et la recharge des nappes phréatiques, tout en participant à la réduction des îlots de chaleur urbains et en redonnant aux résidents des espaces publics de qualité.
Érosion et glissements de terrain
Les changements climatiques pourraient rendre certains milieux plus sensibles à l’érosion et aux glissements de terrain. Pour réduire la vulnérabilité des collectivités, celles-ci doivent intégrer la gestion de ces risques en amont. Éviter l’étalement urbain grâce à des milieux de vie plus denses et mieux conçus permet de réduire le besoin en espace à urbaniser, et donc de limiter la pression sur les secteurs à risque.
Réduire les impacts sur les écosystèmes
« Le climat est le principal facteur agissant sur la structure et la productivité végétale ainsi que sur la répartition des espèces animales et végétales à l’échelle mondiale » (GIEC, 2002). Sa modification aura plusieurs répercussions sur les écosystèmes. Or, les êtres humains sont tributaires des écosystèmes dans lesquels ils vivent et desquels ils dépendent. La capacité d’adaptation des premiers ne peut être appréhendée sans tenir compte de la résilience des seconds.
Une municipalité, à travers une approche écosystémique de son aménagement, peut réduire les pressions qu’elle fait subir à son écosystème d’accueil et lui offrir des conditions favorables à sa résilience. Elle peut notamment limiter la fragmentation de l’écosystème par le biais de trames écologiques, et par l’identification d’aires naturelles protégées qu’elle exclura d’un éventuel développement immobilier.
Favoriser la résilience de la ville dans son ensemble
Enfin, la résilience générale du système urbain ne peut être négligée. Celle-ci s’appuie en bonne partie sur la résilience de ses réseaux (les transports, les communications et l’énergie) et de ses infrastructures. De plus, le niveau d’expertise au sein même de l’administration municipale, dans ses champs d’intervention, est garant d’une meilleure capacité d’adaptation.
Les réseaux
De plus en plus, la mobilité est un élément primordial dans l’économie des collectivités. Il est important que celle-ci soit assurée de diverses façons, non seulement pour répondre aux besoins et aux capacités de tous, mais aussi pour assurer des solutions de rechange en cas de rupture.
Dans un contexte d’adaptation, un accès à l’information réduit la vulnérabilité des individus, d’où l’importance d’assurer la résilience des réseaux de communication.
La diversification des sources d’énergie, via une interaction entre le réseau national et des réseaux locaux de production d’énergie, augmente la capacité d’adaptation du réseau en général. Dans plusieurs villes allemandes on retrouve des systèmes de chaufferie urbaine, destinés à alimenter un quartier à l’aide d’une source d’énergie renouvelable, notamment à Scharnhauser Park (en banlieue de Stuttgart), Vauban (Freiburg im Breisgau) et Loretto (Tübingen). À Québec, la Cité Verte a implanté un tel système, alimenté à la biomasse. Enfin, la Ville de Vancouver s’est dotée d’une chaufferie urbaine qui récupère la chaleur des eaux usées de la ville pour alimenter le quartier Southeast False Creek.
Économie dans le coût des infrastructures
L’adaptation aux changements climatiques engendrera, dans la plupart des collectivités, des coûts importants, notamment dans la modification des infrastructures de régulation (contrôle des eaux pluviales, de l’érosion, etc).
La gestion écosystémique, qui est au cœur de la conception des collectivités viables, consiste notamment à miser sur la capacité de régulation des milieux naturels : milieux humides, systèmes végétalisés de gestion à la source des eaux pluviales, couvert végétal, etc. Remplacer ou compléter les infrastructures grises par des infrastructures vertes permet de réaliser des économies dans le coût des infrastructures, en plus d’améliorer la qualité des milieux de vie.
L’expertise des acteurs publics
Au cours des dernières décennies, dans un souci de rationalisation, les municipalités québécoises ont souvent eu recours au secteur privé pour la réalisation de plusieurs de leurs activités. Ce faisant, elles ont aussi réduit leurs effectifs et l’expertise de leur administration dans plusieurs domaines qui sont pourtant de leur ressort. Cela les rend plus vulnérables aux aléas, dont l’évolution du climat. En effet, « pour une exposition et une sensibilité données, une municipalité qui possède plus de ressources et qui est mieux informée sera vraisemblablement moins vulnérable qu’une municipalité qui ne possède pas ces caractéristiques » (Ouranos, 2010b).