5 D pour faire marcher
Les principaux déterminants du potentiel piétonnier sont la densité d'habitation, la diversité des activités et un design de la trame urbaine assurant la connectivité des rues.
Un quartier de résidence à fort potentiel piétonnier est un quartier densément peuplé, où plusieurs commerces et services sont présents à proximité.
Québec. INSPQ, 2010
Ils sont ainsi connus sous l’appellation des « 3 D » : Densité, Diversité des activités et Design (Cervero et Kockelman, 1997). Deux autres « D » se sont ajoutés à la littérature : Destinations accessibles et Distance du transport en commun (City of New York, 2010 et Québec. INSPQ, 2014). Selon Cervero et Kockelman (1997), ces facteurs sont reliés et interdépendants : c’est leur synergie qui favorise les déplacements piétonniers.
Densité, diversité des activités et design
Densité et mixité, des inséparables
La densité d’habitations, la compacité de la forme urbaine et la mixité des activités sont autant de caractéristiques de l’environnement bâti permettant de maximiser le nombre de destinations accessibles à faible distance d’une résidence, et ce pour le plus grand nombre de résidents. La proximité de destinations variées, permettant de répondre aux besoins quotidiens des individus, est en fait la base de tout déplacement actif.
Il est difficile d’isoler la variable « densité » de la variable « diversité des activités ». Un quartier comportant une densité résidentielle élevée, mais sans autre activité urbaine que l’habitation serait peu susceptible de favoriser la marche, puisqu’il n’offrirait pratiquement aucune destination. C’est la diversité des activités qui assure la présence de destinations d’intérêt et qui motive ainsi la marche dans un quartier.
On peut toutefois supposer que la densité résidentielle, ou l’intensité des activités, soit préalable à la diversité, puisqu’une masse critique de résidents, de travailleurs et de visiteurs est nécessaire à la viabilité d’activités nombreuses et variées sur un territoire (Marlon et collab., 2011).
Les personnes vivant dans un quartier compact effectuent jusqu’à 40 % moins de déplacements motorisés (Ewing et collab., 2008). Au contraire, dans les milieux où les résidences et les activités sont éparpillées sur un territoire étalé, la dépendance à l’automobile prend le pas sur les déplacements actifs.
Design urbain, un incontournable
La proximité dépend non pas de la distance à vol d’oiseau, mais bien de la distance à parcourir selon la trame de rues des quartiers. Ainsi, à une échelle macro, le design urbain peut miser sur la connectivité du réseau de rues (comprenant un maximum d’intersections de même que des liens piétonniers à des endroits stratégiques) pour réduire la longueur des déplacements et favoriser l’utilisation des déplacements actifs. À une échelle plus micro, le design urbain assurera la sécurité, le confort et l'attrait des espaces publics et des infrastructures de transport pour les usagers les plus vulnérables.
Destinations accessibles : une bonne localisation des activités
Les destinations accessibles font référence à la facilité d’accéder à pied à une une zone d’activités, un pôle d’emplois ou autre générateur de déplacements (City of New York, 2010).Les résidents d’une collectivité n’auront que de faibles probabilités de recourir aux transports actifs pour leurs déplacements de navettage si la localisation des activités les rend difficilement accessibles à pied, à vélo ou en transports collectifs.
Pour encourager la pratique quotidienne des transports actifs, les principales destinations d’une collectivité (grands employeurs, institutions, équipements publics, etc.) gagnent à être rapprochées du plus grand nombre possible de résidences et à être regroupées dans une centralité d’agglomération, idéalement desservie par les transports collectifs. Les lieux de destinations encouragent également les déplacements actifs lorsqu’ils sont accessibles à partir de la rue en donnant directement sur le trottoir et en évitant aux piétons de traverser de grandes surfaces de stationnement, par exemple.
Distance du transport en commun
La distance du transport en commun se rapporte à la distance moyenne entre les résidences, ou lieux d’emploi, et la station la plus proche de transport en commun (City of New York, 2010).
Le transport en commun, un mode de déplacement actif
Le transport en commun peut être considéré comme un mode de déplacement actif, puisque son utilisation implique minimalement une part de marche pour se rendre à l’arrêt ou à la station de transport en commun, puis de l’arrêt à la destination finale (Vivre en Ville, 2012). La présence d’une station de transport en commun à proximité de la maison ou du travail est un véritable incitatif à la marche. Les gens qui utilisent les transports publics pour se rendre au travail marchent davantage que ceux qui utilisent uniquement l’automobile; ils marcheraient en fait autant que ceux qui se rendent au travail à pied. Par ailleurs, plus le service de transport en commun est efficace et rapide (métro, train de banlieue), plus les utilisateurs sont prêts à marcher pour s’y rendre. En effet, on estime qu’une distance de 500 mètres est généralement acceptable pour marcher jusqu’à un arrêt d’autobus, tandis que cette distance peut aller jusqu’à un kilomètre pour rejoindre une station de métro ou de train (Lachapelle et Noland, 2012).
Évaluation du potentiel piétonnier
L’évaluation du potentiel piétonnier d’un milieu peut se faire à différentes échelles du territoire (VTPI, 2017, cité dans Boucher et Fontaine, 2011) :
- À l’échelle de la parcelle : l’évaluation s’attardera à l’accessibilité du bâtiment en prenant en compte, notamment, les allées reliant le trottoir au bâtiment, la localisation des entrées et la présence ou non d’équipements favorables aux piétons (rampes d’accès, bancs, etc.).
- À l’échelle de la rue ou de l’unité de voisinage : l'évaluation considérera d’autres éléments concernant les infrastructures et leurs usagers (trottoirs et traverses piétonnes, largeur de la chaussée, débit de la circulation et vitesse des automobilistes).
- À l'échelle du quartier : l’accessibilité aux différentes activités et la connectivité des rues feront partie de l’évaluation.
Un audit de potentiel piétonnier, basé sur une grille d’évaluation préétablie permettant d’analyser divers aspects de l’aménagement physique d’un secteur, peut être utilisé entre autres pour cibler les interventions nécessaires. En voici quelques exemples et leur contenu.
Audit de potentiel piétonnier actif et sécuritaire (PPAS)
Développé par l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal (Québec. ASSSM, 2012), cet audit permet d’étudier :
- les activités urbaines;
- les caractéristiques des voies de déplacement (trottoirs, mobilier urbain et éclairage, type de rue et vitesse de circulation);
- la configuration des intersections;
- l’ambiance urbaine et l’expérience de marche;
- l’accès physique au transport en commun et aux voies cyclables.
Audit urbain de marchabilité pour les personnes âgées (MAPPA)
Développé à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal, cet audit est applicable aux déplacements à pieds des personnes âgées, pour les deux côtés d’un segment de rue. Il traite de sept thèmes (Negron‑Poblete et Lord, 2014) :
- les intersections au début et à la fin du segment;
- les zones tampons et les marges;
- les trottoirs;
- les occupations du sol et les bâtiments;
- l’espace public;
- les caractéristiques de la chaussée;
- l’entretien général de la rue.
Le Walkscore
Il donne une note (%) représentant le degré de facilité à utiliser la marche comme mode de déplacement dans un quartier. Ce score tient exclusivement compte de la proximité et de la diversité des destinations autour d’une coordonnée géographique (p. ex., nombre de commerces d’alimentation ou de parcs dans un rayon de 400 m à 1,6 km). Cet outil Web est abondamment utilisé pour évaluer la qualité des milieux de vie, notamment dans le domaine immobilier.
Dans tous les cas d’évaluation, l’utilisation d’indicateurs de performance permet d’établir un diagnostic et de suivre d’année en année la progression du potentiel piétonnier, en fonction des interventions réalisées (Boucher et Fontaine, 2011).