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Granby : la rue étroite comme outil pour gérer l'eau de pluie

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Publication : 23 mai 2020

L’accroissement des surfaces imperméables, qui augmente les volumes d’eau de ruissellement, et la multiplication des épisodes de forte pluie causée par les changements climatiques contribuent à la saturation de plus en plus fréquente des réseaux d’égouts pluviaux, donc à des refoulements et à des inondations. Il devient par conséquent nécessaire, pour les municipalités touchées, de revoir leurs pratiques en matière de gestion des eaux pluviales pour enrayer les problèmes subis.

Aux prises avec de fréquents refoulements d’égout, la Ville de Granby a procédé à un réaménagement majeur de deux de ses rues, dans un souci d’adaptation aux changements climatiques, en associant le rétrécissement de la chaussée à une meilleure gestion des eaux pluviales.

Cet article est l'une de trois études de cas traitant de façons de gérer certains enjeux de la rue apaisée. Les deux autres sont :

La gestion des eaux pluviales et l’espace public

Différentes mesures, mises en œuvre à grande et à petite échelle, permettent de favoriser l’infiltration de l’eau dans le sol et ainsi de réduire les volumes et les débits dans les égouts pluviaux. Ces pratiques peuvent être intégrées dans la réglementation municipale, dans les projets immobiliers privés, et dans les aménagement publics (rues, parcs, etc.).

Les noues, une mesure efficace

Noue végétalisée permettant la rétention des eaux de pluies. | Source : Ville de Granby.

Les noues végétalisées sont des espaces s’apparentant à des fossés larges et peu profonds vers lesquels sont dirigées les eaux pluviales (L’Atelier Urbain, 2017). Elles visent à ralentir le débit d’eau le long des rues pour, d’une part, favoriser la filtration et la sédimentation des matières en suspension et, d’autre part, accentuer l’infiltration des eaux pluviales. Les végétaux y jouent un rôle très important de filtration, tout en augmentant la biodiversité. En milieu urbain, ces mesures permettent également d’atténuer les îlots de chaleur.

Au-delà des bénéfices environnementaux, les noues peuvent contribuer à la sécurité et la convivialité des déplacements, lorsque leur aménagement est associé à une réduction de la largeur de la chaussée et à une meilleure délimitation des espaces de la circulation.

Enfin, les noues aident à sensibiliser la population aux principes du développement durable et peuvent jouer un rôle important dans l’augmentation de l’acceptabilité sociale de la transformation des milieux bâtis (réaménagement de rue, densification, etc.) grâce à leurs qualités esthétiques et fonctionnelles.

L’exemples des rues Saint‑André et Lansdowne

Le contexte

À plusieurs reprises, le territoire de la ville de Granby a été touché par des fortes pluies causant des refoulements d’égouts. La Ville a donc décidé d’intervenir dans un secteur fortement touché, celui du quadrilatère entre les rues Saint‑André Est et Lansdowne.

Le projet initial de la Ville était de réaliser un réseau de conduites de grande capacité, servant de bassin de rétention souterrain (ROBVQ, 2015), dont le coût était estimé à 3,7 millions de dollars. La Ville de Granby a toutefois décidé de saisir cette occasion pour réaliser un projet d’aménagement permettant non seulement de gérer les eaux pluviales de façon optimale, mais aussi d’accroître la sécurité des écoliers circulant dans le secteur (Carbonneau et Méthot-Borduas, 2017).

Le projet

Conçu par le service des travaux publics de la Ville de Granby et réalisé en 2013, le réaménagement des rues Saint‑André et Lansdowne sur un total de 1 130 mètres linéaires a coûté 2,35 millions de dollars, soit environ 1,3 million de dollars de moins que le projet initial, plus conventionnel. En outre, le projet a bénéficié d’une aide de plus de 1,5 million de dollars du Fonds municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités (FCM) (Patenaude, 2017).

Rue Saint-André Est
Avant Après
Source : Google Streetview
Source : Google Streetview
  • Chaussée de 12 mètres de largeur
  • Trottoir d’un mètre de largeur, en bordure de la chaussée
  • Stationnement sur rue permis des deux côtés de la rue
  • Marquage au sol des passages piétonniers du corridor scolaire seulement
  • Chaussée de 7 mètres de largeur
  • Deux trottoirs séparés de la chaussée par des noues végétalisées
  • Encadrement du stationnement sur rue en baies
  • Avancées de trottoirs aux intersections et marquage au sol de tous les passages piétonniers


Lansdowne
Avant Après
Source : Google Streetview
Source : Google Streetview
Source : Google Streetview
Source : Google Streetview
  • Chaussée de 12 mètres de largeur
  • Accès continu au stationnement de l’école secondaire du côté est
  • Passage piétonnier avec zone de refuge médiane à l’entrée de l’école secondaire
  • Large intersection au croisement de la rue Bellevue
  • Chaussée de 7 mètres de largeur
  • Accentuation de la courbe grâce à des bordures arasées, traitées avec une couleur distincte de la chaussée pour réduire la vitesse véhiculaire tout en permettant un rayon de virage suffisant pour les autobus scolaires
  • Amélioration de l’encadrement du stationnement
  • Marquage au sol de tous les passages piétonniers
  • Réduction de la largeur de l’intersection au croisement de la rue Bellevue

Les résultats et apprentissages

Des bénéfices nombreux

Le choix d’implanter des noues végétalisées a permis(Carbonneau et Méthot-Borduas, 2017) :

  • d’accroître les espaces verts et de réduire les îlots de chaleur urbains ;
  • de contrôler la qualité de l’eau pluviale ;
  • de diminuer considérablement les risques de refoulement des égouts pluviaux dans le secteur ;
  • d’améliorer la sécurité des piétons, notamment des écoliers qui marchent quotidiennement vers les deux écoles du secteur par :
    • la réduction de la largeur de la chaussée ;
    • la présence des végétaux entre le trottoir et la chaussée ;
    • l’ajout de passages piétonniers sécuritaires à des endroits stratégiques ;
  • de réduire la vitesse de circulation. La rue Saint‑André est une rue locale, en partie résidentielle, qui est régulièrement utilisée comme une rue de transit entre le boulevard Leclerc Est et la rue Dufferin. Le rétrécissement de la chaussée et les avancées de trottoirs ont contribué à réduire la vitesse de la circulation automobile (Létourneau, 2017).

Un processus de sensibilisation essentiel

La réussite du projet s’explique non seulement par la qualité des aménagements, mais également par les efforts qui ont été déployés pour sensibiliser la population et répondre aux craintes et aux appréhensions des résidents. Ce processus a été réalisé en quatre étapes (Carbonneau et Méthot-Borduas, 2017) :

  1. envoi d’une brochure pour expliquer le projet aux résidents directement touchés ;
  2. rencontre avec les habitants du secteur pour discuter de leurs inquiétudes, notamment de la perte de stationnement sur rue et de l’efficacité du système proposé par rapport au système traditionnel ;
  3. publication d’un article dans le journal local pour informer le grand public ;
  4. remise d’un rapport aux citoyens du secteur sur les résultats de l’inspection des installations de plomberie.

L’efficacité économique, une condition essentielle

En dépit de ses qualités, le projet a suscité des appréhensions importantes. Les citoyens s’inquiétaient notamment des coûts à long terme de l’entretien des végétaux et doutaient de l’efficacité réelle des mesures proposées. Les données recueillies ont toutefois montré que les coûts d’entretien (ménage printanier et mise à niveau) étaient d’environ 9 dollars par mètre linéaire au cours des premières années. Cependant, ceux-ci devraient chuter à environ 5 dollars par mètre linéaire après 15 ans, soit moins que le coût des solutions conventionnelles. En outre, afin de tirer pleinement profit de ces investissements, la Ville prévoyait utiliser ces aménagements comme une pouponnière à végétaux pour d’autres projets à réaliser sur son territoire.

Des ajustements nécessaires

Dès la mise en place du projet, les citoyens étaient impatients que les végétaux atteignent la maturité et une plus grande taille. Cependant, il a fallu enlever les amélanchiers après deux ans à cause des plaintes concernant la réduction de la visibilité en raison de leur dimension. D’autres modifications ont également été effectuées au cours des premières années, comme le déplacement de certaines graminées qui avaient été plantées trop près des entrées charretières et la modification des rayons d’encoignure des entrées charretières pour en faciliter le déneigement.

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Notice bibliographique

Publication : 23 mai 2020
VIVRE EN VILLE (2020). « Granby : la rue étroite comme outil pour gérer l'eau de pluie », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, mai 2020. [https://collectivitesviables.org/etudes-de-cas/granby -la-rue-etroite-comme-outil-pour-gerer-l-eau-de-pluie.aspx] (consulté le 20 avril 2024).


Références

« Bonin contre le projet sur Saint‑André et Lansdowne », Granby Express, 29 mai 2013. [En ligne]

CARBONNEAU, Benoit et François MÉTHOT‑BORDUAS (2017). Gestion des eaux pluviales : noues végétalisées de la conception à l’entretien, présentation dans le cadre du Congrès INFRA 2017, 4 au 6 décembre 2017 [PDF] 29 p.

GIGUERE, Ugo (2013). « 2,2 millions $ pour le projet de noues végétalisées », Granby Express, 3 juillet 2013. [En ligne]

L’ATELIER URBAIN (2017). Les pratiques de gestion optimales des eaux pluviales (PGO) : Faire face aux changements climatiques, Guide technique, été 2017 [PDF] 2 p.

LÉTOURNEAU, Marie-France (2017). « Noues végétalisées : un projet qui retient l’attention », La Voix de l’Est, 2 décembre 2017. [En ligne]

PATENAUDE, Eric (2017). « Granby : le monde municipal s’intéresse aux noues végétalisées », Granby Express, 1er décembre 2017. [En ligne]

ROBVQ [REGROUPEMENT DES ORGANISMES DE BASSINS VERSANTS DU QUÉBEC] (2015). « Une bonne pratique sur Répert'eau : Noues végétalisées en milieu bâti. », Répert'eau. [En ligne]