Le choix de l’approche intégrée
Peu de villes gèrent le stationnement dans sa globalité. Le sujet est complexe, en raison de la multiplicité des paramètres, de sa transversalité, mais aussi de la volatilité de la demande.
Le cours normal des choses
L’étalement urbain et la dépendance à l’automobile ont fait du stationnement une condition cruciale de l’accessibilité. L’approche classique consiste donc à répondre à la demande de stationnement, ce qui revient à offrir toujours plus de cases. Les nuisances associées à l’abondance du stationnement de surface sont éventuellement mitigées par des mesures correctives comme le verdissement des cases.
Or, ce pragmatisme apparent occulte en réalité la majeure partie de la problématique du stationnement. D’abord, la demande s’avère toujours surévaluée. Le taux d’occupation perçu des cases diffère largement de la réalité. Un diagnostic précis est donc nécessaire pour évaluer dans quelle mesure la demande en stationnement est justifiée ou non
Une vision d’ensemble
La gestion du stationnement n’est pas une simple question d’offre et de demande. Elle entremêle, et doit donc prendre en compte, des enjeux de mobilité, de vitalité économique, d’aménagement du territoire, de qualité des milieux de vie ou encore d’équité.
La gestion du stationnement au service des objectifs de la planification
Le stationnement étant un élément déterminant de la forme et du fonctionnement urbains, sa gestion doit s’arrimer aux objectifs de la planification du territoire. Intervenir dans la gestion du stationnement est aussi un moyen d’atteindre les cibles de mobilité (ex. parts modales de déplacement) et de vitalité urbaine (ex. consolidation du centre-ville, convivialité des milieux de vie).
Intervenir sur trois paramètres interdépendants
La situation du stationnement peut être transformée avec des interventions combinées sur :
- la demande;
- l’offre;
- l’aménagement des aires et des cases.
Modifier un paramètre a des conséquences sur les deux autres.
Stratégies et outils
Il existe une multitude de stratégies et d’outils à disposition des acteurs municipaux pour gérer plus efficacement le stationnement sur leur territoire, dont voici un panorama des plus intéressantes et de leurs conditions de succès.
Limiter la demande
Plusieurs options s’offrent afin de diminuer la demande de stationnement :
- Aménager la ville de manière à favoriser les courtes distances, en jouant sur la trame de rues, mais aussi en s’appuyant sur une politique de localisation des activités.
- Améliorer l’offre de transport collectif.
- Faciliter les déplacements actifs par une trame de rues qui réduit les distances à parcourir et en améliorant la qualité de l’environnement bâti et des espaces publics. Cela affecte également les automobilistes, qui deviennent piétons en sortant de leur véhicule.
- Recourir à des mesures incitatives pour encourager le report modal. La Californie a ainsi adopté un programme pour inciter les employeurs à proposer à leurs employés de renoncer à venir en automobile et de leur verser l’équivalent du coût de la case de stationnement libérée (parking cash-out) (Shoup, 1997).
Réduire l’offre de stationnement
En contexte nord-américain, le parc de stationnement est globalement surdimensionné à l’échelle de la ville. Il s’agit donc d’optimiser le parc existant, en bonifiant sa répartition et en rationalisant l’accès aux cases, et ultimement, de réduire le nombre de cases offertes.
Mutualiser et centraliser
L’association « une activité = une case dédiée par visiteur », qui fractionne le stationnement et génère une suroffre, doit tout d’abord être remise en question. En appréhendant l’offre de stationnement à une échelle plus large, il est possible de mutualiser les aires de stationnement entre plusieurs activités et de centraliser le stationnement à l’échelle d’une rue ou d’un secteur.
La réglementation s’avère efficace pour limiter les aires de stationnement privatives aux grands générateurs de déplacement, comme les hôpitaux. La taxe de remplacement permet aux promoteurs d’alimenter un fonds pour le stationnement centralisé, pour éviter de construire certaines cases. De plus, les promoteurs résidentiels peuvent dissocier la vente des habitations et des stationnements, facilitant ainsi la création de logements abordables.
Coordonner la gestion du stationnement sur et hors rue
Le stationnement hors rue devrait canaliser les séjours de longue durée, et sur rue, de courte durée. Le problème du manque de stationnement tient davantage à la disponibilité des cases qu’à leur nombre. Rendre les cases disponibles là où la demande est forte suppose d’améliorer la rotation, jusqu’à atteindre le taux d’occupation optimal de 85 % sur rue (Shoup, 2006). Une telle occupation permet d’optimiser l’utilisation des cases existantes, tout en limitant la circulation de recherche de case, car cela laisse environ une case disponible par îlot.
Le meilleur outil pour réguler l’occupation des cases sur rue est la tarification. Le tarif est d’abord fixé bas, puis augmenté jusqu’à parvenir au taux d’occupation optimal. Cette approche a été adoptée avec succès dans le Vieux-Pasadena (Californie) et de nombreuses villes des États-Unis l’imitent : Los Angeles, San Francisco, Portland (Oregon), etc. (ITDP, 2010) Une telle stratégie améliore ses chances de succès si :
- elle s’inscrit dans un périmètre cohérent, qui évite de déplacer le problème plus loin;
- elle facilite les solutions de paiement.
Hiérarchiser les publics
Tous les usagers n’ont pas les mêmes besoins. Les meilleures cases devraient être réservées à des publics spécifiques, en fonction de leurs contraintes (ex. de mobilité), de leur profil de stationnement (ex. résident / visiteur) ou comme incitatif à certaines pratiques (ex. autopartage). De plus, les quartiers mixtes devraient disposer d’emplacements sur rue pour la livraison et le dépose-minute, un usage prioritaire qui pourrait être circonscrit à certains horaires. Cette stratégie suppose une signalisation claire des usages autorisés et un contrôle du respect des règles.
Réglementer l’offre privée
La réglementation actuelle dicte le minimum de cases qui doivent être construites pour chaque nouveau bâtiment, dépassant parfois les besoins réels des activités. Une stratégie consiste à remplacer les normes minimales par des normes maximales. Si on garde des minimums, les exigences sont modulées en fonction de la desserte en transport collectif, de l’offre de parcours pour les déplacements actifs, de la mixité du secteur, etc.
Le succès de cette stratégie repose sur deux conditions :
- une signalisation efficace pour indiquer l’emplacement du stationnement et, si possible, le nombre de cases disponibles;
- l’anticipation des pics annuels de fréquentation, notamment pour les absorber avec le stationnement sur rue ou centralisé, et prévoir des solutions lorsque plusieurs clientèles se font concurrence pour l’accès aux cases (ex. vignettes résidentielles).
Réduire graduellement l’offre publique
Le parc de stationnement public peut être progressivement réduit là où :
- il affiche un faible taux d’occupation;
- il ne valorise pas suffisamment l’espace occupé, dans un contexte de compétition pour l’occupation du sol (ex. rue commerciale animée, secteur générant des revenus élevés de taxes foncières);
- il pourrait être avantageusement remplacé par une meilleure desserte en transport en commun ou en déplacements actifs (ex. nouvelle voie réservée / piste cyclable, abribus);
- il est accidentogène (ex. vitesse ou débit élevés de circulation, entrées charretières trop nombreuses).
Améliorer la qualité de l’aménagement du stationnement
Cette stratégie, qui concerne la forme des aires et des cases, devrait être mise en place en dernier, une fois que le besoin de case est avéré et que les modalités de sa gestion ont été définies. Autrement, elle a tendance à occulter et remplacer les mesures de gestion de l’offre et de la demande.
Cette stratégie intervient tout d’abord dans la localisation et l’intégration du stationnement. Dans les secteurs stratégiques, la municipalité a intérêt à favoriser des formes en structure (stationnements étagés ou souterrains), une solution qui consomme moins d’espace. À défaut, le stationnement en surface est localisé derrière le bâtiment, de manière à valoriser l’accès et la visibilité du bâtiment depuis la rue. Dans tous les cas, l’intégration architecturale et paysagère du stationnement est un impératif incontournable.
L’aménagement du stationnement de surface vise à limiter les nuisances qu’il entraîne, et qui sont liées à la minéralisation du sol, notamment le phénomène d’îlot de chaleur, et dans certains cas, l’insécurité qu’il suscite, ou encore la déshumanisation de l’espace. Le choix d’un revêtement perméable et la végétalisation du site permettent au stationnement d’assumer de nouvelles fonctions :
- tempérer la chaleur estivale (effet microclimatique);
- gérer l’eau pluviale sur place;
- favoriser la biodiversité;
- embellir le site;
- apaiser la circulation.
Il est possible d’ouvrir cet espace à d’autres usages, qui peuvent se combiner de manière informelle ou encadrée. Une case pourrait ainsi être dédiée aux livraisons le matin, à l’extension d’une terrasse de restaurant le midi et au stationnement le reste du temps.
Une gestion du stationnement au profit de l’ensemble de la collectivité
Les municipalités ont tout intérêt à s’investir activement dans la gestion du stationnement pour tenir compte des multiples enjeux qu’il suscite et, au final, assurer la qualité des milieux de vie et la vitalité de leurs centralités à long terme. Ces objectifs sont d’ailleurs à la fois tributaires d’une gestion systémique du stationnement et des éléments d’acceptabilité pour les stratégies proposées précédemment.
L’optimisation des cases de stationnement par la tarification et la réduction du stationnement public, par exemple, seront acceptées et soutenues dans la mesure où l’espace récupéré et les fonds amassés sont redonnés à la communauté via des usages à haute valeur ajoutée, comme des espaces publics conviviaux (ex. placette, végétation intensive) ou des constructions qui enrichissent l’offre locale d’activités. Enfin, les mesures seront d’autant mieux acceptées qu’elles seront progressives et laisseront à chacun le temps de s’adapter et de changer ses habitudes.