Les configurations fréquemment rencontrées allongent les distances des déplacement des usagers actifs, limitent les options de mobilité et les exposent à d’importants risques de collisions (Vernez Moudon et collab, 2006)
Un espace abondant qui conditionne une conduite à risque
Conçus avec l’objectif principal d’assurer une capacité routière importante, les strips commerciales présentent des environnements distendus à plusieurs égards :
- une chaussée large, un nombre élevé de voies de circulation et des accotements généreux;
- un encadrement bâti lâche, avec des bâtiments de faible hauteur, implantés au centre ou en fond de parcelle;
- une végétation relativement basse et éparse qui contribue faiblement à limiter le champ visuel.
Ces choix de conception, dérivés des approches autoroutières, présentent des inconvénients significatifs dans les milieux urbains. Les dimensions de l’espace incitent en effet les conducteurs à adopter des vitesses élevées en raison de la largeur des voies (NACTO, 2013), des accotements ou du recul des bâtiments (Ivan et collab., 2009). D’autre part, elles augmentent le sentiment de sécurité chez les conducteurs, ainsi que leur propension à enfreindre les règles de sécurité routière (Ewing et Dumbaugh, 2009).
Ces conditions de circulation en apparence « facilitantes » peuvent ainsi aller à l’encontre de la sécurité routière dans son ensemble (Dumbaugh et Wenhao, 2010).
Un volume de circulation important, source de collisions
Le volume de circulation est fortement lié aux collisions (ASSS Montréal, 2007) : « La probabilité de survenue d’un accident est directement liée au volume d’exposition et cette relation se vérifie à divers niveaux : autant pour les conducteurs (nombre de kilomètres parcourus) que pour les intersections (volume de trafic), les quartiers (nombre de véhicules-kilomètres) ou les pays (Lourens, 1999; Litman, 2007; Hauer, 1988, Adams, 1987).» Particulièrement, l'ASS Montréal (2013) souligne que le nombre de piétons blessés aux intersections gérées par des feux de circulation est «proportionnel à la racine carrée des volumes de circulation automobile aux intersections (Garder, 2004; Lee & Abdel-Aty, 2005; Lyon & Persaud, 2002).»
Des conflits fréquents entre les usagers
En raison de leur configuration, les strips commerciales sont le lieu de nombreux points de conflits entre les usagers, particulièrement aux intersections et aux accès (entrées charretières), lorsque les parcours de différents usagers s’entrecroisent, mais également en section courante (ralentissements, changement de voie, déviation ou sortie de route). D’une manière générale, plus il y a d’intersections ou d’accès, plus le nombre de collisions augmente (Ewing et Dumbaugh, 2009).
Des intersections dangereuses
Au Québec, les collisions avec dommages corporels impliquant au moins un piéton se produisent majoritairement aux intersections (SAAQ, 20016). Il s’agit d’un constat peu surprenant, puisque c’est aux intersections que les piétons sont le plus exposés à la circulation.
Plus précisément, ce sont les manœuvres de virage dans les intersections qui sont particulièrement délicates en matière d’insécurité pour les piétons, comme pour les cyclistes (NACTO, 2019).
- Les virages à gauche sans phase protégée placent les usagers vulnérables à risque car les conducteurs doivent à la fois analyser la circulation en sens inverse et gérer la pression liée au fait qu’ils bloquent la circulation (en totalité ou en partie), ce qui peut les amener à ne pas voir à temps un piéton qui traverse la voie qu’ils s’apprêtent à emprunter.
- Les virages à droite au feu rouge, autorisés à de nombreuses intersections, constituent également des manœuvres risquées. Entre 2003 et 2015, les manœuvres de virage à droite au feu rouge, destinées uniquement à augmenter la fluidité de la circulation, ont été à l’origine de 1108 collisions causant des blessures à un piéton, dont 37 blessés graves et 7 décès (Burgun, 2016).
- Les bretelles de virage, destinées à augmenter la fluidité de la circulation en limitant le ralentissement des véhicules tournant à droite, créent elles aussi des situations inconfortables et dangereuses pour les piétons en l’absence de mesures spécifiques destinées à assurer leur sécurité.
Par ailleurs, d’autres aspects peuvent contribuer à faire des intersections des lieux dangereux pour les usagers vulnérables :
- des temps de traversée trop courts, particulièrement pour certains usagers plus lents en raison de leur âge (jeunes enfants ou aînés) ou d’un handicap;
- des infrastructures cyclables insuffisantes ou inexistantes;
- des espaces d’attente inadaptés et peu sécuritaires.
Des environnements dangereux en dehors des intersections
En dehors des intersections, les strips commerciales sont sujettes à d’autres situations risquées, particulièrement pour les usagers vulnérables :
- Des accès fréquents et achalandés Les activités commerciales qui les bordent (Bonnesson et collab., 1997) contribuent à accroître les risques de collisions entre un véhicule et un piéton, (Hess et collab., 2004) particulièrement aux abords de grands magasins-entrepôts (Dumbaugh et Robert, 2009) et le long de centres commerciaux linéaires dotés de multiples entrées charretières (Dumbaugh et Wenhao, 2010).
- Des séparations physiques inexistantes ou insuffisantes
La configuration de nombreuses strips commerciales offre des conditions insatisfaisantes pour les déplacements actifs, avec des cheminements piétons et cyclables souvent trop étroits et rapprochés de la chaussée, lorsqu’ils existent.
Dans de telles conditions, les usagers ne sont pas adéquatement protégés d’éventuelles variations de trajectoires des véhicules routiers (sortie de route, évitement d’obstacles) en plus d’être contraints de circuler dans des conditions peu conviviales (projections, appels d’air, bruit, etc.). - Des traversées hors intersections trop rares ou peu sécuritaires
La distance parfois importante entre les intersections et les activités présentes le long des strips commerciales entraîne des besoins de traversée en dehors des intersections pour les piétons. Or, sans aménagements adéquats, traverser une strip est risqué pour les piétons, particulièrement lorsqu’il y a plus de trois voies à traverser sans îlot de refuge.
Des effets au-delà de la sécurité
Si les conséquence directes en matière de sécurité sont les plus dramatiques, le niveau de sécurité et de convivialité des strips commerciales a également des conséquences plus larges sur la mobilité des personnes :
- Les conditions offertes dissuadent les usagers de recourir à des modes de déplacements actifs (Hess et collab., 1999).
- Le nombre d’usagers des modes actifs est généralement insuffisant pour générer un effet de sécurité par le nombre (Murphy et collab., 2017) (un nombre élevé de piétons et de cyclistes est associé à un risque d’accident plus faible, selon Jacobsen, 2003).
- Les situations de conflit et les accidents qui se produisent affectent également l’efficacité de la circulation routière en créant des ralentissements liés à la fréquence élevée d’accès ou d’intersections non gérées (manœuvres de virage), à la cohabitation avec les usagers vulnérables (dépassement de cyclistes en l’absence d’aménagements adéquats), ou encore à des manœuvres risquées chez les conducteurs (dépassement ou évitement)