Objectifs de l’écoquartier
Au Québec, il n’existe pour l’instant aucun encadrement politique définissant l’écoquartier, ses objectifs et ses caractéristiques. Or, les initiatives se multiplient depuis quelques années, et leur réussite dépend du bon vouloir et du savoir-faire des acteurs à l’œuvre. En 2014, Vivre en Ville a publié Objectif écoquartiers et mis en ligne un site Web (Objectifecoquartiers.org) afin de proposer des balises permettant à ceux qui le souhaitent de juger de la qualité d’une proposition, en comparaison des bonnes, et aussi des moins bonnes pratiques en la matière.
Le développement durable
Le développement durable en milieu urbain est à l’origine de cette idée. S’il y avait d’abord une distinction plus marquée entre l’écoquartier, à saveur plus strictement écologique, et le quartier durable, les deux termes renvoient de plus en plus à la même idée, celle d’un quartier conçu pour répondre aux objectifs du développement durable. Même si les préoccupations environnementales ont parfois préséance, plus personne ne néglige réellement les questions sociales et économiques. En effet, la croissance de l’intérêt pour les écoquartiers est liée aux atouts qu’ils présentent sur le plan écologique, mais également sur les plan de la qualité de vie et de l’efficience économique. Enfin, à l’image du développement durable, les écoquartiers s’inscrivent dans un effort pour répondre aux enjeux locaux et planétaires, ainsi qu’aux besoins immédiats et à long terme. À cet égard, l’Action 21 locale issue du Sommet de Rio, a été un point de départ pour plusieurs villes européennes, et en est aussi un pour certaines villes québécoises. À titre d’exemple, la Ville de Montréal a mis en place un programme Quartiers 21 afin de soutenir financièrement des projets de développement durable à l'échelle locale.
Quartier exemplaire
L’écoquartier se veut souvent un projet exemplaire dans un effort de renouvellement des pratiques. C’est aussi l’occasion, pour les municipalités comme pour les développeurs, d’être à l’avant-garde.
Aussi, le concept d’écoquartier est souvent associé à la recherche d’un modèle reproductible pour offrir des logements pour tous dans un cadre de vie de qualité, tout en limitant l’empreinte écologique du quartier. Il s’agit entre autres de réduire les consommations énergétiques, mieux gérer les déplacements, réduire les consommations d’eau, limiter la production de déchets, favoriser la biodiversité et construire des bâtiments et des milieux de vie sains.
Dans d’autres cas, la volonté est de créer des prototypes (plus chers à mettre en œuvre, réservés à des populations aisées, extrêmement performants sur le plan environnemental) qui servent de vitrine. Certains écoquartiers, parmi les plus reconnus, deviennent pratiquement des attraits touristiques. En 2005, le quartier Hammarby, à Stockholm (en Suède) voyait 70 000 visiteurs sillonner ses rues. Il y a par ailleurs un risque à ce genre d’écoquartier, celui de créer un quartier qui ne sache mener à une réelle modification des pratiques de l’urbanisme et de l’aménagement vers l’avènement de collectivités viables, soit parce que l’accent a surtout été mis sur la communication plus que sur la conception, ou parce que le quartier devient un objet désincarné, hors d’atteinte, voire élitiste.
Un modèle et non une fin en soi
Vu les risques liés au quartier exemplaire, il est important de recentrer les démarches d’écoquartier sur l’objectif d’amélioration des pratiques plutôt que de faire d’un écoquartier une finalité. Les différences de contexte d’un endroit à un autre nécessitent une capacité d’adaptation des pratiques urbanistiques. Un écoquartier est donc une étape dans l’amélioration des pratiques d’une collectivité. D’ailleurs, les villes allemandes ne parlent elles-mêmes jamais d’écoquartier, mais bien de quartier modèle.
Caractéristiques et processus de l’écoquartier
D’abord et avant tout, l’écoquartier constitue un milieu de vie. Certaines caractéristiques sont dès lors incontournables, pour en assurer la qualité, la vitalité, l’équité et la durabilité. Ainsi, un écoquartier se doit :
1. d’être un milieu de vie le plus complet possible, qui réponde aux divers besoins d’une population variée;
Il doit miser sur la compacité, la mixité des activités, la proximité et la diversité de l’offre commerciale et de services, et accorder la priorité aux déplacements actifs.
2. d’être un quartier connecté à son environnement;
Il doit être en phase avec les quartiers voisins, contribuer à leur développement et éviter de les «vampiriser», assurer la connectivité de sa trame viaire avec les secteurs avoisinants et contribuer à l’articulation entre l’urbanisation et les transports en commun.
3. de saisir l’occasion d’améliorer l’existant, pour le quartier lui-même et pour ses environs;
Il doit assurer l’optimisation des infrastructures et des équipements municipaux, de façon à réduire les coûts de construction, d’utilisation, d’entretien et de remplacement.
4. d’offrir des solutions structurantes et efficaces à long terme.
Il doit contribuer à la protection du territoire agricole et des milieux naturels.
Il doit privilégier une gestion écosystémique pour minimiser les impacts du milieu bâti sur l’écosystème naturel et conserver les effets régulateurs de ce dernier.
Il doit viser l’équité et renforcer la démocratie dans les modes de gestion et de prise de décision.
Il doit assurer la sobriété et l’efficience des bâtiments pour réduire leur empreinte écologique sur l’ensemble de leur cycle de vie.
Selon Charlot-Valdieu et Outrequin (2009), le projet de quartier durable doit prendre en compte cinq éléments déterminants :
- l’environnement local et la qualité de vie;
- l’environnement global (la lutte contre l’effet de serre, la gestion durable des matériaux);
- l’intégration du quartier dans la ville avec la densité, la mixité, les déplacements, etc.;
- la participation;
- l’économie du projet avec les emplois, les activités, l’insertion, etc.
Pour y arriver, le quartier ne peut donc être pensé en vase clos. Il faut tenir compte de toutes les échelles de la planification (l'agglomération, le quartier, la rue et le bâtiment) et garder en tête que ces échelles sont interconnectées. Plusieurs enjeux se jouent sur tous les plans, de façon transversale. La création d’un quartier doit elle aussi contribuer à la cohérence de l’agglomération. Le choix même du site d’un écoquartier doit résulter d’une réflexion urbanistique permettant d’identifier où, dans l’intérêt collectif, la ville doit croître et selon quelles modalités. Cela exige d’avoir recours à une démarche de conception des milieux de vie qui rompt avec l’urbanisme fonctionnaliste.
Enfin, notons que l’écoquartier n’est pas l’apanage de nouveaux quartiers. Plusieurs chartes et certifications le reconnaissent, notamment la démarche accompagnant la charte ÉcoQuartier, en France, et l’EcoDistricts Framework, à Portland (Oregon).
Quelques exemples
En Allemagne, plusieurs quartiers, qui ne se réclament pourtant pas de cette appellation, pourraient très bien servir d’exemples. En effet, des quartiers comme Vauban, à Freiburg im Breisgau, ainsi que Französisches Viertel et Mühlenviertel à Tübingen, répondent à une panoplie des objectifs de l’écoquartier. L’autopromotion a notamment aidé à assurer la diversité et la vitalité de ces quartiers. Ce sont des quartiers à échelle humaine, où les déplacements actifs et les transports collectifs sont efficaces.
Un autre pays où les exemples parlent d’eux-mêmes est la Suède. On y retrouve Bo01 et Augustenborg à Malmö, et Hammarby à Stockholm. Ces quartiers s’inscrivent clairement dans un effort de création de quartiers dont l’empreinte écologique est fortement réduite. Ils ont aussi réussi à créer, volontairement ou involontairement, des milieux de vie diversifiés où tout un chacun y trouve son compte.
Enfin, depuis la mise en place de la démarche ÉcoQuartier, plusieurs projets sont en plan ou ont été réalisés à travers la France. L’un d’eux est l’ÉcoQuartier de la ZAC de Bonne, à Grenoble. À proximité du centre-ville, on y trouve 850 logements, dont près de la moitié sont le fruit d’un programme de réhabilitation, dans un quartier affichant une grande mixité : mixité des usages et mixité sociale, ainsi que diversité du cadre bâti. Le projet a été piloté par la Ville, ce qui lui a permis de financer en grande partie les espaces publics qu’elle y aménagés.