La pérennisation d'un centre ville
Plessisville... en quelques mots
Dans le Centre-du-Québec, Plessisville, 6 700 habitants, est la ville-centre de la MRC de L’Érable. À ce titre, elle s’inscrit dans une dynamique rurale, mais bénéficie d’une structure complète de services. Elle polarise ainsi un bassin de plus de 20 000 habitants. Les industries de Plessisville représentent environ 1500 emplois, dont plus de la moitié sont occupés par des non-résidents (Ville de Plessisville, n.d.). La population a des revenus plutôt modestes, avec un revenu disponible par habitant de 22 337 $, comparativement à 26 774 $ au Québec. La part des personnes âgées augmente rapidement : les 65 ans et plus représentaient 13 % dans la MRC en 1996, et 21 % en 2014 (Québec. ISQ 2015). Le territoire de Plessisville est limité par la paroisse de Plessisville qui la ceinture. Aujourd’hui, 97 % du territoire est urbanisé. Par sa petite taille, sa relative densité et la perméabilité des rues, Plessisville facilite les déplacement actifs. Les industries sont relativement dispersées, mais les commerces se trouvent concentrés dans deux secteurs :
le centre-ville et ses deux rues principales, l’avenue Saint-Louis et la rue Saint-Calixte;
le pôle de la route 116, composé du petit centre d’achat Les Galeries de l’Érable, de commerces artériels et de quelques bureaux.
Renseignements généraux sur Plessisville
Plessisville (Ville) | Plessisville (Ville et paroisse) | MRC de L’Érable | |
---|---|---|---|
Population (StatCan) | 6690 (2011) | 9370 (2011) | 23365 (2011) |
Population de 65 ans et plus (ISQ) | 1650 soit 24,7 % (2011) | 2010 soit 21,5 % (2011) | 4455 soit 19 % (2011) |
Superficie (Plessisville) | 444 ha. | 13620 ha. | 130200 ha. |
Nombre de commerces | Environ 150 | ||
Taux d’occupation des locaux commerciaux | 85 % |
Une perte de vitesse qui stimule l’éparpillement des commerces
Le centre-ville a amorcé un long déclin dans les années 1980 (Fondation Rues principales, 2010). Les commerces de la rue principale sont délaissés au profit des nouveaux commerces de grande superficie, le long de la route de contournement de Plessisville, la route 116.
Concurrence territoriale
En 2002, la route 116, empruntée par 10 000 véhicules par jour environ (Ville de Plessisville et Fondation Rues Principales), est élargie de deux à quatre voies entre Plessisville et Princeville. Son traitement autoroutier réduit de 25 à 17 minutes le temps de trajet vers Victoriaville, la grande ville de la région avec 45 000 habitants. Cela aggrave les fuites commerciales de Plessisville au profit de Victoriaville, dont le Walmart constitue un gros générateur de déplacements.
Dévitalisation et éparpillement des activités
Les commerces du centre-ville ne se sont pas tous adaptés aux nouvelles réalités commerciales. Ils disposent par exemple d’une faible présence virtuelle et n’organisent que peu d’évènements promotionnels. Ils voient leurs ventes baisser, et quittent le centre-ville, avec pour objectif de profiter de la visibilité et de l’achalandage de la route 116, dont le pôle se renforce.
La vacance commerciale progresse au centre-ville, les propriétaires cessent d’investir dans leurs bâtiments, qui se dégradent. L’animation décline, le centre-ville se dévitalise peu à peu. Faute de trouver tous les services sur place, les résidents deviennent dépendants de l’automobile, ce qui s’avère problématique pour les personnes âgées et les ménages non motorisés.
Les premiers efforts de revitalisation
Une reprise en main progressive de la situation par la Ville
En 2007, la Ville sollicite l’aide de la Fondation Rues principales, qui l’accompagne jusqu’en 2013. La société de développement commercial (SDC) du centre-ville est alors dissoute : la cotisation obligatoire des commerçants du périmètre du centre-ville, depuis 1984, avait un effet dissuasif pour l’installation de nouveaux commerces. La Ville crée alors, à la fin 2013, un poste de commissaire au commerce qui :
assure le développement économique du centre-ville et de l’axe de la route 116;
met en place des outils pour recruter de nouveaux investisseurs et tient la liste des locaux vacants à jour;
aide les commerçants à organiser des évènements promotionnels et crée des activités d’animation;
lance début 2015 un site internet gratuit pour améliorer la visibilité des commerces : magasineraplessisville.com. Mi-2016, il dessert près de 120 commerces. Enfin, le CLD disparaît en 2015. La Ville devient alors le seul acteur de développement économique du territoire.
Les initiatives de revitalisation du centre-ville
L’intervention de Rues principales
L’intervention de la Fondation Rues principales a amorcé le renversement de la situation. Elle a impulsé la plupart des réalisations de la Ville (Fondation Rues principales, 2010). Parmi ses contributions, elle est parvenue à : rassembler tous les acteurs de la revitalisation autour d’un projet commun ; réaliser un inventaire des commerces et des locaux vacants ; rendre visibles les efforts avec une grande présence médiatique ; mettre en place des oriflammes « Bienvenue au centre-ville », jusque sur la route 116.
Les efforts de la Ville
La Ville et le commissaire ont multiplié les initiatives pour revitaliser le centre-ville. Ils ont :
mis en place un forfait d’accueil pour les nouveaux commerces : couverture médiatique, certificats pour l’achat de papeterie et de services d’impression, offre de six mois de loyer pour la signature d’un bail de 3 ans (Ville de Plessisville, 2014b) ;
lancé des programmes de subvention pour les commerces du centre-ville et pour les bâtiments patrimoniaux de la Ville (Ville de Plessisville, 2013a). La Ville intervient directement : les propriétaires des commerces dont les devantures sont abîmées sont rencontrés et encouragés à effectuer des travaux ; la Ville vend pour un dollar symbolique l’édifice patrimonial Matte à un investisseur immobilier, qui s’engage à le rénover à l’identique ;
mis en place un Programme d’implantation et d’intégration architecturale en 2013 (Ville de Plessisville, 2013b PIIA);
acheté un terrain vacant suite à un incendie à l’intersection Saint-Louis / Saint-Calixte, et a transformé le terrain en place publique. C’est un espace de rencontre où l’on peut s’asseoir, consulter un tableau d’affichage ou tenir des évènements. Le commissaire y organise depuis 2014 des évènements à retombées commerciales, comme les jeudis blues ou la cabane à sucre, pendant lesquels une partie de la rue est fermée à la circulation automobile ;
réaménagé l’avenue Saint-Louis ;
publié en parallèle un guide de l’aménagement pour encadrer la réfection et la réalisation de nouveaux aménagements publics ;
créé plusieurs îlots de plantation afin d’embellir le centre-ville et créer des endroits ombragés;
mis en place davantage de bancs publics afin de susciter l’achalandage et d’encourager les aînés à se déplacer vers le centre-ville ;
acquis enfin un terrain le long de la route 116, à l’entrée du centre-ville, pour améliorer le fléchage de ce dernier (Ville de Plessisville, 2014a).
D’autres éléments sont en réflexion, comme la création d’une nouvelle allée de stationnement public en cœur d’îlot, entre les avenues Saint-Louis et Saint-Laurent, entre la rue Saint-Calixte et l’allée existante. Il permettra de répondre à la demande induite par les commerces attendus et constitue un argument supplémentaire pour les attirer. La Ville explore enfin les options pour concentrer les commerces existants dans ses deux pôles commerciaux, de manière à y favoriser les synergies économiques et urbaines.
Des résultats visibles dans les choix de localisation des activités
L’intervention auprès de la Caisse populaire Desjardins
En 2006, la Caisse populaire, localisée au 1658 rue Saint-Calixte, lance des tractations pour se relocaliser sur une partie du terrain des Galeries de L’Érable où elle pourrait bénéficier de la visibilité de la route 116. La Ville entame des négociations pour le maintien de la Caisse au centre-ville, en insistant sur le devoir social de la Caisse auprès des membres et de la collectivité, dans un contexte de revitalisation du centre-ville, et sur l’avantage d’être accessible à pied pour ses membres. En 2007, la Caisse approuve par un vote unanime de conserver son siège social à la même adresse. Le centre financier aux entreprises est pour sa part localisé le long de la route 116, ce qui rend le logo Desjardins visible depuis le réseau routier supérieur. En 2009, elle entreprend des travaux de rénovation (p. ex. elle modifie son système de chauffage pour adopter la géothermie) et d’agrandissement, avec une relocalisation de l’entrée sur le côté. Les travaux s’élèvent à 3 M$. La Caisse populaire est désormais citée en exemple par la Ville, en tant que citoyen corporatif écoresponsable, pour retenir les autres commerces.
Les premières décisions immobilières spontanées
Initialement localisée sur l’avenue Saint-Louis, la pharmacie Jean Coutu se trouve à l’étroit dans son local et son stationnement. Ses concurrentes se trouvent pour l’une accolée à une résidence pour personnes âgées, pour l’autre dans les Galeries de L’Érable. En 2011, le propriétaire de locaux commerciaux Olymbec lui cherche un local plus spacieux et disposant d’un stationnement public. La pharmacie déménage alors au 1717 rue Saint-Calixte, en face de l’hôtel de ville, pour un investissement de 1,3 M$. Cette localisation lui permet en effet de conserver son marché et de rester accessible à pied. Le magasin Dollarama a fait le même calcul. À l’étroit dans son local du centre-ville, ce commerce très fréquenté a envisagé de s’agrandir dans les Galeries de L’Érable. L’étude d’opportunité a pourtant conclu qu’une localisation au centre-ville était plus profitable : le commerce a été agrandi et continue d’attirer une clientèle sensible à son accessibilité à pied. Ni pour Jean Coutu, ni pour Dollarama, la Ville n’a eu à intervenir pour peser sur la décision immobilière, ce qui témoigne d’un renversement de l’image du centre ville, si ce n’est d’un regain de vitalité.
L’effet d’entraînement sur les autres commerces
Rien qu’entre 2007 et 2010, sept nouveaux commerces et deux nouveaux restaurants ont ouvert, quatre commerces se sont agrandis (source : Rues principales). Vers 2015, sous l’effet conjugué de l’amélioration du design du centre-ville, des investissements et de l’occupation commerciale, le basculement attendu s’opère : le centre-ville retrouve son attractivité. Dix-huit commerces ouvrent à Plessisville en 2015, dont dix au centre-ville, et la tendance se maintient en 2016. Plusieurs autres commerces localisés ailleurs dans la ville cherchent à se relocaliser au centre-ville : un cabinet de comptable, une boutique de cigarette électronique, de vente et réparation de matériel informatique, etc. Un salon de coiffure s’installe par ailleurs dans un des deux locaux commerciaux de l’édifice Matt rénové.
Bilan
Réussites
La Ville a pris les rênes de la revitalisation du centre-ville. Elle a mis en place une nouvelle gouvernance efficace, qui lui permet d’être proactive pour le développement économique et urbain de son territoire. L’arrivée d’un Commissaire au commerce a été un atout décisif pour inverser la logique de dévitalisation et rendre le centre-ville attractif pour attirer les investissements des propriétaires comme des commerçants. Les locaux commerciaux du centre-ville sont occupés à 85 %, un excellent score, qui dépasse désormais celui du centre-ville de Victoriaville, la principale concurrente de Plessisville (70 %).
Limites
L’attractivité retrouvée du centre-ville ne signifie pas pour autant la disparition des commerces artériels le long de la route 116. La concurrence entre ces deux types de localisation semble cependant s’être atténuée, à mesure qu’elles ont affirmé leur spécialisation respective : une accessibilité régionale et une visibilité routière ou une expérience urbaine de centre-ville.