Le phénomène et ses impacts
La différence de température entre un îlot de chaleur urbain et les secteurs environnants peut atteindre jusqu’à 12°C. La portée d’un îlot de chaleur urbain (aire d’observation et d’influence) peut être très locale (à l’échelle d’un îlot urbain) ou un peu plus vaste (à l’échelle de la ville), sans pour autant dépasser l’échelle régionale. Les îlots de chaleur urbains sont classés en trois catégories selon qu’on les observe directement au sol, dans l’air entre le sol et la cime des arbres (canopée urbaine) ou dans l’air juste au-dessus de la canopée urbaine.
Le phénomène est préoccupant en raison des nombreuses conséquences néfastes qu’il a, en particulier sur la qualité de vie en milieu urbain et la santé humaine, mais aussi sur l’environnement dont l’être humain dépend. La chaleur accablante peut créer certains malaises et exacerber des maladies chroniques préexistantes. Les îlots de chaleur urbains créent également des variations climatiques locales, en plus de diminuer la qualité de l’air et de l’eau, ce qui affecte non seulement l’être humain, mais les écosystèmes avoisinants.
Bien que l'îlot de chaleur urbain ne soit pas une manifestation des changements climatiques et n’influence ceux-ci qu’indirectement1, lutter contre les îlots de chaleur urbains est un moyen d’atténuer les conséquences locales de ce phénomène global. Les effets d’un îlot de chaleur sont en effet d’autant plus importants lors de canicules, lesquelles devraient augmenter en intensité et en nombre avec les changements climatiques.
Les causes des îlots de chaleur urbains
Comment les îlots de chaleur urbains se forment-ils ? Les causes sont variées, mais plusieurs parmi les principales sont directement liées à la façon dont sont aménagés les milieux de vie.
Les surfaces
Les différentes surfaces, dépendant des matériaux qui les composent, n’ont pas les mêmes capacités d’absorption ou de réflexion des rayons solaires. Il existe une mesure de la portion des rayons réfléchis par une surface, par rapport aux rayons solaires incidents : l’albédo2. Plus l’albédo est bas, plus la surface absorbe les rayons. Et plus un matériau absorbe les rayons du soleil, plus il accumule et émet de chaleur.
Les nombreuses surfaces artificielles des milieux urbanisés sont en grande partie composées de matières minérales, tels l’asphalte, le goudron, le gravier et le béton, toutes ayant de faibles albédos. La multiplication de ces surfaces (routes, aires de stationnement, toits goudronnés, murs de briques, etc.) est l’un des plus importants facteurs de création des îlots de chaleur urbains.
Diminution de la végétation et de l’eau de surface
Une autre conséquence de l’urbanisation est la diminution de la végétation et des plans d’eau. Végétation et plans d’eau sont deux vecteurs d’évaporation de l’eau (par évapotranspiration chez les plantes), qui permet de transférer l’énergie du soleil en chaleur latente, réduisant du même coup la température ambiante. Les nombreuses surfaces asphaltées sont là aussi en cause puisqu’elles limitent la rétention de l’eau par le sol en la dirigeant rapidement vers les réseaux d’égout, puis les cours d’eau.
Émissions de chaleur anthropiques
L’activité humaine est source d’émission de chaleur qui vient s’ajouter à la chaleur ambiante du milieu. L’activité industrielle, les transports et la climatisation sont les principales sources anthropiques de chaleur. En effet, les moteurs des machines industrielles, des véhicules et des climatiseurs génèrent de la chaleur. Ainsi, dans un stationnement surchauffé par le soleil, l’automobile dont le moteur roule pour faire fonctionner la climatisation empire la situation qu’elle combat.
Morphologie urbaine
La forme urbaine (notamment la dimension des bâtiments et l’espacement entre ceux-ci) influence à sa façon les îlots de chaleur urbains. Les grands édifices peuvent créer de l’ombre et réduire le rayonnement solaire au sol. Mais lorsque le rayonnement pénètre entre les bâtiments, ils augmentent la superficie de surfaces absorbant le rayonnement solaire. La nuit venue, la chaleur de la canopée urbaine est piégée par une couche d’air frais qui se forme sur les toits des édifices. Ainsi, le rafraîchissement naturel de nuit ne peut s’opérer. Ultimement, ce phénomène contribue également à la création de smog.
Climat et géographie
Le climat local et la géographie influencent aussi la création d’îlots de chaleur urbains. Le climat a des effets sur les vents et la présence de nuages. La géographie peut, elle aussi, influencer les courants d’air.
Des solutions possibles : l’aménagement à contribution
Si l’être humain subit souvent les conséquences des îlots de chaleur urbains, il en est aussi largement responsable. Les solutions sont donc également de son ressort. À cet égard, les pratiques de l’urbanisme et de l’aménagement, qui ont grandement conduit à la création des îlots de chaleur urbains, peuvent aujourd’hui être ajustées pour faire face à ce défi.
Réduire les surfaces minéralisées
La minéralisation des milieux urbanisés étant la principale source d’îlots de chaleur, la réduction des surfaces minéralisées est la stratégie la plus importante à mettre en œuvre.
Réduire les surfaces asphaltées
D’abord et avant tout, il est possible de réduire la largeur des chaussées et le nombre de places de stationnement, ainsi que de créer des stationnements souterrains ou étagés. Tous ces espaces qui ne sont plus dédiés à l’automobile servent alors à améliorer la qualité des milieux de vie par des espaces publics conviviaux, tels des parcs ou des places.
Verdir les espaces publics et les bâtiments
Le verdissement est probablement le moyen de lutte contre les îlots de chaleur urbains le plus évident, en raison de sa simplicité, de son impact sur les températures ambiantes, et du maximum de bénéfices environnementaux qui peut en être tiré. La réduction des îlots de chaleur urbains demande que les municipalités se dotent d’une stratégie de verdissement, comprenant une vision d’ensemble et détaillée par des projets particuliers qui peuvent prendre diverses formes :
- plantations ponctuelles;
- verdissement de stationnements;
- verdissement de pourtours de bâtiments;
- murs végétaux;
- toits verts.
Retenir l’eau en ville
La gestion des eaux pluviales peut être modifiée pour retenir l’eau en ville, par la perméabilisation des surfaces, la canalisation naturelle et la création de bassins de rétention. Il est également possible de créer des fontaines et renaturaliser, voire rouvrir, des cours d’eau. Ces plans d’eau, en plus de rafraîchir leur environnement, contribuent à varier les ambiances et les esthétiques à travers la ville et favorisent la biodiversité.
Réduire la production de chaleur anthropique
L’aménagement peut avoir d’importants impacts sur les transports urbains. En effet, les caractéristiques d’une collectivité viable ont le potentiel de réduire les besoins de transport et surtout, la nécessité d’une automobile individuelle en toutes circonstances. Au niveau du bâtiment, diverses stratégies, telles l’efficacité énergétique et l’architecture bioclimatique, peuvent réduire substantiellement les besoins de climatisation.
Augmenter l’albédo des surfaces
Enfin, l’une des stratégies les plus simples et les moins coûteuses pour réduire les îlots de chaleur urbains est d’augmenter l’albédo des surfaces. Pour ce faire, il suffit d’utiliser des matériaux plus pâles ou même de peinturer en blanc certaines surfaces. Ces solutions ont toutefois des impacts limités comparativement à la plupart des interventions ci-haut mentionnées, et nécessitent de plus de considérer les possibles effets d'éblouissements associés.
Miser sur des solutions comportant des cobénéfices
La majorité des stratégies de réduction des îlots de chaleur urbains, dont plusieurs ont entre autres pour effet d'augmenter l’albédo des milieux urbanisés, présentent l’avantage de procurer des cobénéfices. La réduction des surfaces minéralisées, par exemple, contribue grandement à l’amélioration générale de la qualité des milieux de vie en :
- équilibrant l’espace accordé aux divers modes de déplacement;
- offrant des espaces publics de qualité;
- créant des milieux de vie à échelle humaine;
- etc.
Des exemples montréalais
Un volet important du Quartier 21 Peter McGill, réalisé dans le cadre du programme Quartiers 21, de la Ville de Montréal, est la réduction de l’effet d’îlot de chaleur par diverses mesures de végétalisation, dont la plantation d’arbres, la création de saillies végétalisées sur les rues et la transformation de la ruelle Saint-Marc en ruelle perméable.
L’arrondissement Rosemont–Petite-Patrie, a adapté son règlement d’urbanisme pour réduire les problèmes d’îlots de chaleur urbains. Celui-ci multiplie les dispositions favorisant la présence de végétaux, tant dans les espaces publics que privés. Entre autres nouvelles dispositions, le règlement n’autorise, comme revêtement des toits plats ou de faible pente, que des toits verts ou dont l’indice de réflectance solaire est élevé.
L’arrondissement Saint-Laurent s’est quant à lui doté d’un règlement encadrant l’aménagement des espaces de stationnement, dont le premier objectif est de réduire les îlots de chaleur urbains. Il se décline en 10 points, comprenant la réduction du nombre de cases de stationnement et de leur largeur minimale, l’intégration d’espaces verts et l’utilisation de pavé alvéolé comme revêtement.