Absorber la croissance urbaine et améliorer les milieux de vie existants
Au Québec, comme ailleurs en Amérique du Nord, le mode développement urbain mis de l’avant dans les dernières décennies à généré des formes urbaines étalées, peu économes en territoire, monofonctionnelles et générant des coûts collectifs et individuels considérables. Les conséquences de l’étalement urbain sont désormais bien comprises, mais les stratégies employées pour l’enrayer demeurent souvent incomplètes.
En opposition à cette forme d’urbanisation, la consolidation et la requalification des milieux urbanisés cherchent à optimiser l’occupation de l’espace et l’utilisation des infrastructures, des équipements et des services publics, par le (ré)aménagement de quartiers plus compacts, supportant une diversité d’activités et de modes de transport. En s’appuyant sur les qualités des milieux déjà urbanisés, elles cherchent à les exploiter et les mettre à profit pour un plus grand nombre de personnes. Elles peuvent, entre autres, participer au renforcement de centralités d’agglomération et locales, rentabiliser les infrastructures urbaines et le transport en commun, et faciliter l’accès aux commerces, services et équipements pour l’ensemble de la population.
En absorbant la totalité ou une grande partie de la croissance urbaine attendue, ces deux stratégies de reconstruction ont le potentiel de transformer les quartiers existants en des milieux de vie complets, et de générer des bénéfices considérables pour les municipalités. En s’attaquant à de nombreux enjeux urbanistiques d’un même coup - dont la perte de terre agricoles, l’augmentation de gaz à effet de serre liés au transport des personnes et les obstacles à l’adoption de saines habitudes de vie - ces deux modes d’urbanisation s’avèrent des solutions concrètes à diverses problématiques liées à l’étalement.
Une occasion de concentrer ses efforts et ses investissements
D’ordinaire, l’urbanisation de nouveaux secteurs entre en concurrence avec la revitalisation de milieux déjà habités mais en perte de vitesse. Alors que les ressources des municipalités ne sont pas infinies, il semble difficile d’investir dans chacun de ces projets. Une logique similaire s’applique au commerce : en contexte de lente croissance démographique, la création de nouvelles concentrations d’activités se produit rarement par la multiplication des activités sur le territoire, mais plutôt par le déplacement de celles qui existent déjà (Vivre en Ville, 2016). C’est le cas bien connu de nombreuses rues commerciales qui vivotent, alors que des centres commerciaux ou des mégacentres voient le jour en périphérie pour desservir de nouveaux quartiers résidentiels (Biba et collab., 2007).
S’attaquer aux milieux de vie existants, au lieu d’en construire de nouveaux, permet de rentabiliser les efforts et les investissements. Plutôt que de s’attaquer à deux problèmes séparément - la croissance et la revitalisation urbaines - la reconstruction de la ville sur elle-même permet d’accomplir les deux à la fois. En amenant de nouveaux ménages dans les quartiers établis, on peut rentabiliser non seulement les infrastructures, mais aussi offrir une nouvelle clientèle aux écoles menacées de fermeture et aux commerces de proximité qui font face à la concurrence des grandes surfaces de l’agglomération, par exemple. Qui plus est, cette nouvelle masse critique justifiera l’amélioration des espaces publics et équipements existants, au profit de tous.
Des opportunités multiples pour reconstruire les milieux de vie sur eux-mêmes
Concentrer la croissance dans les secteurs déjà construits nécessite de savoir identifier et exploiter chaque espace qui se libère au profit de la reconstruction. Les milieux de vie situés tant dans les secteurs urbains centraux, suburbains que villageois présentent une multiplicité d’espaces à réinvestir : des parcelles sous-utilisées ou en mutation, des espaces en friche, des stationnements de surface et des discontinuités urbaines. Ces derniers constituent tous, d’une manière ou d’une autre, des opportunités et un support pour reconstruire les milieux de vie sur eux-mêmes.
Tirer profit des espaces urbains en mutation
La ville est le théâtre de mouvements qui en viennent à libérer de nombreux espaces urbains. Suivant les dynamiques sociales, économiques et technologiques, certaines activités cessent ou sont relocalisées ailleurs sur le territoire, si ce n’est dans d’autres pays. Plusieurs sites d’envergure sont ainsi désinvestis ou même abandonnés. Il en a résulté l’apparition de friches qui, déjà desservies par des infrastructures et des services publics, constituent aujourd’hui des lieux aux potentialités multiples et offrant des avantages importants (Hamin et collab., 2007).
Pensons, par exemple, à de nombreux sites industriels ou portuaires en friche en attente d’une requalification. Dans une logique similaire, des propriétés conventuelles en viennent à changer de vocation alors que certaines congrégations se voient dans le besoin de les vendre ou les léguer. Généralement bien localisés et englobés par l’urbanisation, ces sites présentent des opportunités à saisir pour l’aménagement de nouveaux milieux de vie. À plus petite échelle, avec la disparition de certaines activités, des bâtiments de grande qualité peuvent être libérés et constituent, une fois recyclés, une alternative concurrentielle à la construction de bâtiments neufs.
Intensifier l’usage des espaces sous-utilisés
En plus des espaces laissés vacants ou en friche, d’autres espaces urbains méritent d’être réinvestis au profit d’améliorations de l’espace public ou de nouvelles constructions. Prenons l’exemple des rues surdimensionnées, des aires de stationnement de surface et des parcelles désormais jugées sous-exploitées en raison de transformations produites alentour.
Alors que l’on cherche à freiner l’étalement urbain et à concentrer la croissance à l’intérieur des secteurs déjà urbanisés, certains sites sous-utilisés auront avantage à accueillir des projets de consolidation, afin de tirer davantage profit de leur valeur foncière croissante. C’est notamment le cas des banlieues d’après-guerre qui sont avantageusement situées près des grands centres urbains. Malgré les constructions modestes qui s’y trouvent, l’augmentation des valeurs foncières entraîne une densification spontanée et progressive du cadre bâti.
Une stratégie bénéfique pour plusieurs types de milieux
La reconstruction de la ville sur elle-même ne s’adresse pas uniquement aux quartiers centraux des grands centres urbains. Les banlieues, les petites et moyennes villes ainsi que les villages sis au cœur des régions rurales ont, eux aussi, tout à gagner à opter pour la reconstruction.
Les différents milieux qui composent les villes, centralités, milieux résidentiels, spécialisés, ou agricoles, présentent chacun des opportunités particulières pour la reconstruction. À chaque milieu correspondent des enjeux distincts auxquels on pourra s’attaquer soit par la consolidation ou la requalification. Par exemple, une centralité en perte de vitesse gagnera à être consolidée de façon à y intensifier les activités et la rendre plus attractive. Un quartier résidentiel pourrait lui aussi être consolidé, mais de façon plus subtile. Un milieu spécialisé tel qu’un quartier d’affaires peut être requalifié de façon à lui faire changer de rôle, à introduire de nouvelles activités et favoriser la mixité, et ultimement en faire un milieu plus complet.