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Rue partagée

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Publication : 26 février 2015 | Mise à jour : 03 juillet 2023

La rue partagée est une voie publique où l’ensemble des modes de déplacement cohabitent sans ségrégation physique et où les règles de circulation diffèrent d’une rue traditionnelle. Les piétons sont prioritaires et l'aménagement permet aux usagers de déceler, de façon instinctive, que le partage de la chaussée y est particulier.

Origine

Le concept de rue partagée constitue une forme de rue apaisée qui peut être vue comme une réactualisation de la vocation originale des espaces publics, avant que les enjeux de sécurité liés aux modes de transport véhiculaires n’imposent des règles de circulation et une ségrégation des usagers.

L’origine moderne de cette forme d’espace public trouve sa source aux Pays-Bas durant les années 1960 (Van Gameren, Dick et collab., 2010). Elle a depuis été adoptée et adaptée dans différents pays et est désormais inscrite dans la réglementation routière sous le terme « zone de rencontre » en Belgique, en France (CERTU, 2010) et en Suisse, ou encore « rues de jeu » (spielstrassen) (Freiburg im Breisgau, 2012) en Allemagne.

Au Québec, le concept a été introduit en 2018 dans le Code de la sécurité routière (art.4 et 496.1 à 496.6) qui mentionne explicitement que la rue partagée doit être un espace clairement identifié, aménagé de façon sécuritaire et où la vitesse est limitée à 20 km/h.

Intérêts et limites

Intérêts :

  • Sécurité routière: comme pour les autres types de rues apaisées, les vitesses réduites permettent de réduire la gravité des collisions (Bureau suisse de la prévention des accidents, cité dans QUÉBEC. INSPQ, 2005).
  • Optimisation de l’espace: tous les modes de déplacement peuvent cohabiter de manière conviviale et sécuritaire dans un espace restreint qui ne permet pas, par exemple, l’aménagement d’infrastructures cyclables.
  • Accessibilité universelle: en raison des faibles dénivellations séparant les différents espaces de la rue, l’accessibilité peut-être meilleure pour certaines personnes à mobilité réduite (marchette, handicap physique, fauteuil roulant) ou pour les personnes avec des poussettes.
  • Polyvalence: l’espace créé peut être facilement utilisé pour des événements.

Limites :

  • Habitudes des usagers: ces aménagements nécessitent un temps d’adaptation pour certains usagers, ce qui peut nuire à leur acceptabilité.
  • Accessibilité universelle: l’aménagement du trottoir au même niveau que la chaussée peut gêner les personnes vivant avec une déficience visuelle, qui ont besoin de repères clairs et connus pour s’orienter. Les premières applications du concept de rue partagée ont en effet fait l’objet de vives critiques en matière d’accessibilité pour les personnes vivant avec une incapacité visuelle. Cela a poussé les concepteurs à mieux considérer ces enjeux, notamment pour offrir un espace sécuritaire dédié aux piétons (corridor d’accessibilité universelle) ainsi que pour faciliter l’orientation et la détection des obstacles. La Ville de Montréal a adopté des principes d’aménagement pour intégrer les meilleures pratiques dans ses projets de rues partagées.
  • Entretien: aménagés de façon non conventionnelle, ces espaces peuvent parfois être plus complexes ou coûteux à entretenir, selon les matériaux utilisés et de la présence de mobilier urbain.

Contexte d’application

Le concept de rue partagée est particulièrement approprié pour les voies de desserte locale, qu’elles soient résidentielles ou commerciales. Toutefois, il existe des exemples de rues ou d’intersections partagées sur des voies hautement achalandées, notamment au Royaume‑Uni (Jerrison, 2016).

Cette mesure d’aménagement est particulièrement appropriée pour les environnements dans lesquels la circulation véhiculaire souhaitée est faible mais pouvant générer des flux piétons importants, en contexte résidentiel ou dans le cas de milieux plus animés ou avec une dimension commerciale plus marquée. Enfin, une rue partagée est préférablement d’une longueur limitée, de manière à éviter d’affecter son efficacité sur les comportements (Québec. MTQ, 2019a).

Les caractéristiques d’aménagement d’une rue partagée

Si l’absence de ségrégation des modes de déplacement est un des principes de base de ce concept, il ne s’agit assurément pas d’une condition suffisante. En effet, selon ce seul critère, de très nombreuses rues aménagées dans les dernières décennies, notamment dans les banlieues d’après‑guerre, pourraient se prévaloir de l’appellation « rue partagée », puisqu’elles ne possèdent ni trottoir, ni piste cyclable. Toutefois, celles-ci sont généralement conçues pour accommoder des vitesses élevées (chaussées et voies larges, grands rayons de virage, aucune entrave), ce qui les rend inconfortables et peu sécuritaires pour les déplacements actifs.

Ainsi, une rue partagée doit présenter plusieurs caractéristiques spécifiques :

Un espace qui se distingue

La rue partagée doit être facilement reconnaissable par tous les usagers (matériaux utilisés, configuration de l’espace, marquage des entrées, utilisation du mobilier urbain, etc.), qu’il s’agisse d’une configuration temporaire ou permanente. L’aménagement sécuritaire de la rue partagée est d’ailleurs une obligation légale, figurant dans le Code de la sécurité routière (art. 496.2). Au-delà de la signalisation obligatoire, l’entrée d’une rue partagée doit être clairement indiquée : rétrécissement, dénivellation, changement de texture, etc.

Une vitesse de circulation limitée à 20 km/h

La circulation automobile n’est pas interdite mais tolérée. La limite de vitesse est fixée à 20 km/h, mais l’aménagement devrait susciter des vitesses véhiculaires encore plus réduites, de l’ordre de celle de la marche.

Une chaussée pour tous

L'aménagement doit inviter les piétons à utiliser tout l'espace. À l’exception du corridor d’accessibilité universelle, il n’y a pas de ségrégation physique entre les différents modes de déplacement (ni passage piétonnier, ni voie cyclable, notamment). La signalisation routière traditionnelle est réduite autant que possible.

Une chaussée restreinte et des aménagements à échelle humaine

Pour favoriser des vitesses de circulation réduites, la largeur de la chaussée doit être réduite autant que possible. Par conséquent, le croisement de deux véhicules n’est ainsi pas garanti partout mais le passage des véhicules d’urgence doit toutefois rester possible. La présence des aménagements destinés aux piétons (placette, mobilier urbain, éléments d’information, éclairage adéquat) et aux cyclistes (stationnements) contribue à l’encadrement de la rue et à en faire un espace à échelle humaine, tout en stimulant son appropriation par les usagers.

Corridor d’accessibilité universelle

La chaussée de la rue partagée étant accessible à tous les usagers, il est néanmoins nécessaire de prévoir un corridor d’accessibilité universelle protégé, détectable, continu et sans obstacles pour garantir la sécurité et l’orientation des personnes à mobilité réduite, particulièrement celles vivant avec une incapacité visuelle.

Du stationnement encadré et limité

Du stationnement peut être envisagé dans la rue partagée, mais il doit être limité et bien intégré à l’aménagement pour ne pas nuire à la bonne circulation des piétons et éviter un élargissement inutile de la chaussée lorsqu’il n’est pas utilisé.

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Notice bibliographique

Publication : 26 février 2015 | Mise à jour : 03 juillet 2023
VIVRE EN VILLE (2023). « Rue partagée », Collectivitesviables.org, Vivre en Ville, juillet 2023. [https://collectivitesviables.org/articles/rue-partagee.aspx] (consulté le 29 mars 2024).


Références

Références

VAN GAMEREN, DICK ET COLLAB. (2010). The woonerf today. DASH 03, NAi Uitgevers, Delft, Pays-Bas.

QUÉBEC (2014). Code de sécurité routière, RLRQ, c. 24-2, en vigueur le 1er janvier 2023, Québec, Éditeur officiel du Québec.

QUÉBEC. INSPQ [INSTITUT QUÉBÉCOIS DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU QUÉBEC] (2005). La vitesse au volant : son impact sur la santé et des mesures pour y remédier. Synthèse des connaissances [PDF] 130 p.

JERRISON, ANDREW (2016). Poynton’s Shared Space – a view from a local, Medium. [En ligne]

QUÉBEC. MTQ [MINISTÈRE DES TRANSPORTS] (2019). Guide d'application : Rue partagée [PDF]. 16 p.